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mieux mieux, pour lui faire les honneurs de réceptions qui s’engendrent les unes les autres et qui ne laissent pas à l’ex-président un seul jour où il puisse dire : « Ce jour est à moi seul ; aujourd’hui, je suis libre. » Il faut qu’il dîne partout, chez tous les ministres et, sans doute, on a chaque fois l’attention délicate de lui faire manger du bœuf américain, produit dont l’exportation a pris depuis deux ans des proportions incroyables, atteignant, le mois dernier, jusqu’à trois millions de dollars. Et puis, que de “ turtle soups, " que de “ plum puddings ” il a déjà vu s’étaler devant lui avec cette majesté volumineuse que les Anglais donnent à leurs plats ! Et ce n’est pas tout. Quelle quantité de cigares il va lui falloir brûler ! Car il n’est pas plus permis de voir Grant sans un cigare aux lèvres, que Thiers sans ses lunettes ou Napoléon iii sans sa moustache effilée. Il avalera encore toutes les adresses, toutes les allocutions, tous les discours possibles ; l’Angleterre va se mettre à contribution, de cent manières différentes, pour célébrer l’homme qui a eu l’insigne bonheur de mettre fin à une guerre fratricide, de vaincre non pas un ennemi étranger, victoires qui restent toujours sans résultat, mais de ramener à la patrie commune des millions de ses enfants égarés.

C’est un fait bien remarquable, oui, bien remarquable que ces démonstrations empressées d’une Angleterre nouvelle envers un homme qui a combattu pour la liberté démocratique contre un reste d’institutions féodales,