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Page:Buies - Récits de voyages, 1890.djvu/212

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promenade dans le vieux québec

jusqu’aux os par tous les vices de la civilisation européenne, sans avoir pu acquérir une seule de ses vertus, ne connaissaient plus de frein, étaient devenus incontrôlables. Au milieu des ombres profondes de la nuit, quelquefois en pleine paix, des villages inoffensifs, avant-postes éloignés des colonies anglaises, perdus dans les bois, étaient par eux mis à feu et à sac, les maisons incendiées, les femmes et les enfants traînés par les chemins et égorgés, des hommes, trop vieux pour se défendre, coupés par morceaux et la tête dépouillée, pour orner la ceinture de guerre de ces barbares féroces. De la terre imbibée de sang éclataient, sous les pas des soldats victorieux, des cris de vengeance et de malédiction ; pas un buisson, pas un taillis où ne passât le souffle des esprits errants de milliers de victimes. Sur un espace grand comme le tiers de l’Europe, vingt à trente mille hommes trouvaient le moyen de se traquer, de s’entredétruire avec orgueil, au nom de leur patrie respective, et ce sol vierge, demeure grandiose d’une nature épanouie dans toute sa noblesse et dans toute sa force, resplendissant modèle des harmonies réunies de la création, ce sol, si riche des prodigalités du ciel, ne lui envoyait en échange que des concerts d’im-