Page:Buies - Récits de voyages, 1890.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
récits de voyage

précations, des cris étouffés dans la mort, et l’écho partout répété du bruit des canons qui tuaient les hommes.

Qui peut, en parcourant la sombre liste des martyrs, la douloureuse histoire de la guerre coloniale, avec ses horreurs renouvelées sur tous les points, avec ses tueries insatiables, que rachetaient à peine l’héroïsme multiplié de notre race et des actions d’éclat, qui font l’étonnement et presque la stupeur des historiens, qui peut échapper à un regret poignant, refouler en soi des larmes amères ? Il n’y avait donc pas une terre au monde, même au sein de ces vastes et généreuses retraites, où deux peuples héroïques, comme les Français et les Anglais, pussent vivre en paix l’un à côté de l’autre ? Toutes les mers et tous les rivages étaient teints de leur sang, l’un par l’autre versé ; une ambition insatiable les faisait se rencontrer jusqu’aux extrémités du monde et se combattre partout où la trace de leurs pas était empreinte ; ils se poursuivaient et se remplaçaient tour-à-tour dans tous les pays découverts ; la terre entière n’était pas assez grande pour y arborer à la fois l’étendard de Saint-George et la fleur de Lys, et si les océans eussent disparu soudain, laissant à sec