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LES JEUNES BARBARES

avec mes dettes. Aujourd’hui, mes dettes elles-mêmes m’ont abandonné, puisque j’ai dû faire banqueroute.


Or, hier soir, rêveur, je me promenais sur le rivage du Saint-Laurent, qui, à l’endroit que j’habite, a dix lieues de largeur, ce qui permet aux steamers portant le choléra de passer suffisamment loin de moi. À l’instar du canadien errant, banni de ses foyers, je discourais avec les flots retentissants, bien moins retentissants, néanmoins, que les cris qui s’élèvent de tous côtés contre le gouvernement provincial. Je murmurais discrètement à l’oreille de ces flots, qu’on appelle amers parce qu’ils sont salés, combien il est douloureux d’être orphelin à cinquante ans et de n’avoir pas trois mille dollars de revenu.

Rothschild, lui, s’il a cinquante ans et s’il a perdu son père, a du moins quelque chose pour le remplacer. Mais à moi, il ne me reste plus que le spectacle de mes ruines et de quelque gros ou petit scandale qui, de temps à autre, vient défrayer ma solitude.


Comme j’achevais de rêver sur la grève sonore, passa devant moi le postillon, ami de l’homme, qui me remit une lettre