Page:Buies - Sur le parcours du chemin de fer du Lac St-Jean, deuxième conférence, 1887.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 12 —

les objets de première nécessité pour ce troupeau d’hommes isolés de toute communication extérieure. Il prit des pensionnaires, commença un défrichement autour de son habitation, sema dix acres en orge et en patates, quelques autres en blé et en légumes ; ces deux derniers produits rendirent au delà de ses espérances, et même le foin qu’il avait essayé sans y croire ; il a été jusqu’à vendre pour cent dollars de patates dans le cours de l’été dernier, et, développant son commerce avec ses nouvelles ressources, il s’est procuré régulièrement de la viande fraîche d’un endroit appelé Notre-Dame des Anges où conduit un chemin de colonisation de dix milles de longueur, aujourd’hui à peu près terminé et dans un état très passable.

Dans l’intervalle, de nouvelles huttes, dressées ça et là aux environs, si grossièrement et si chétivement façonnées que le cœur vous serre à les regarder, allaient néanmoins abriter quelques colons et les travailleurs qui avaient avec eux leur femme et leurs enfants, pendant que d’autres cabanes s’échelonnaient à divers intervalles le long de deux routes ouvertes dans le bois pour communiquer avec les cantons voisins ; la compagnie du chemin de fer avait construit ses usines, ébauché les piles d’un pont sur la rivière à Pierre, et le sifflet de la locomotive, le roulement saccadé des trains de construction, la gymnastique retentissante des machines sans cesse en mouvement et les battements répétés des lourds marteaux sur l’enclume allaient réveiller les profonds échos endormis jusque là dans la noire et muette solitude.