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Page:Buies - Sur le parcours du chemin de fer du Lac St-Jean, deuxième conférence, 1887.djvu/25

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nir près de 400 pains par jour aux douze cents hommes de la ligne. Nous voyons çà et là des tentes abandonnées dont les voiles noircies par la fumée, déchirées, loqueteuses, claquent au vent : elles ont été laissées telles quelles par les travailleurs qui sont allés en planter d’autres, 20, 25, 30 milles plus loin, toujours en suivant le chemin de fer au fur et à mesure qu’il se construit. Nous passons à la course devant le lac Comfort, sorte de trou qui n’a pas plus de deux arpents de long sur un de large, mais qui a 85 pieds de profondeur, véritable baignoire pour les hommes antédiluviens. À droite, sur une hauteur, apparaît ce qui fut le « Hill Side Cottage, » une hutte comme toutes les autres, mais dans un site ravissant, où le vieux Jerry, le « Joe Beef » des Laurentides, pensionnait une vingtaine d’hommes et servait aux voyageurs en quête de notes un café fait aussi primitivement qu’on peut le rêver, mais bien supérieur aux tisanes infectes qu’on nous sert sous ce nom dans les hôtels et les restaurants de la ville. Mais hélas ! le vieux Jerry n’était plus là, et il avait suffi de quelques semaines d’abandon pour donner au « Hill Side Cottage, » naguère un bruyant rendez-vous, mais maintenant isolé de toutes parts, ouvert de tous côtés, béant, sinistre et lugubre, l’aspect repoussant d’une vieille ruine dédaignée. Nous passons de même la « North Pole House, » ainsi dénommée du séjour qu’y firent en 1885-86 une vingtaine d’Italiens, engagés par aventure sur la ligne, et qui passèrent l’hiver à geler à 80 centins par jour. La « North Pole House, » construction multiple, renfermait ce qu’on appelle un « campe » pour les hommes, un