Page:Bulletin-Rubens - Annales de la Commission officielle instituée par le Conseil communal de la ville d'Anvers, Tome 1, 1882.djvu/68

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conseiller que de temporiser encore quelque peu, en attendant que le tamps ameine quelque occasion de remède plus convenable. Vous savez que Omne solum forti etc. Aussi n est-ce pas petite grâce de Dieu estre en ce tamps, comme en un port de tranquillité, regardant les orages branler les vaisseaux des autres navigans sur la haute mer. Et toute la félicité de l’homme gist au contentement du cueur. S’il y a quelque amertume en la longue patience, la raison et la vertu la doivent adoucir et faire pour le moins tels effects au cœur d’un homme sage et constant que la coutume et le tamps produisent mesmes aux femmelettes vaines et aux bestes brutes. Je ne dis pas cecy à ceste intention comme si je ne vouloye rien faire pour vous, mais seulement pour addoucir l’aspreté et fascherie de la longue attente. Car autrement vous povés estre asseuré que j’essiéroy toutes occasions pour vous impétrer quelque bon appoinc- tement tant qu’en moy sera. Mais il se faut garder de ne rien précipiter. Si vous dites que l’attente vous est trop longue, je le croy fort bien, mais il faut penser que la mémoire en est encor amère à ceux à qui il touche et si on la renouvelle ou remue mal à propos, cela pourroit engendrer quelque symptôme dangereux. D’autre costé vous savés ce que autrefois vous avés offert lorsque vous aviés crainte de pis, mais comme le tamps et la patience a remédié à ceste crainte-là, ainsy faut-il qu’elle vous cure ce second mal et j’espère de la grâce de Dieu que vous en sentirés les effects tels que désirés. Vous estes sage de vous-mesme et cognoissés et considérés ces choses mieux que je ne les vous sauroy dire. Par quoy n’est besoing d’y user longs propos. Je prieroy seulement Dieu qu’il vous vueille donner sainct esprit et ce qui vous est salutaire, me recommandant à vostre bonne grâce. Escrit à Gertrudenbergue, ce XVIIIe de may iSjj. Vostre bien bon ami à vous faire service et plaisir. Ph. de Marnix.