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service immense de faire disparaître toute idée dualistique de finalité dans les rapports des êtres vivants entre eux et avec les milieux qui les environnent.

F. Bacon comparaît les causes finales au poisson Remora qui, d’après les marins de son temps, arrêtait la marche des navires. Par la sélection naturelle, Darwin a supprimé tous les Remora qui arrêtaient le navire de la science. Car peu importe que l’idée de finalité persiste, comme certains le réclament, à l’état virtuel, sous forme d’énergie potentielle initiale, constituant le principe de l’évolution universelle. L’essentiel est que la cause finale soit placée en dehors du déterminisme expérimental, qui ne connaît que des rapports nécessaires de séquence, et que l’hypothèse finaliste soit reléguée dans les régions de la métaphysique où l’homme de science digne de ce nom doit éviter de s’égarer[1].

Et Darwin se rencontre ici avec son émule Lamarck pour donner à l’humanité une orientation nouvelle et réaliser dans le domaine de la Biologie une révolution analogue à celle que Newton et Laplace ont accomplie dans les sciences astronomiques.

Il ne peut entrer dans le plan de cette brève dissertation d’insister sur les conséquences politiques et sociales que Lamarck déduisait de ses patientes recherches, et qu’il a résumées dans son Système analytique des connaissances de l’homme publié en 1828. Je voudrais cependant rappeler la conclusion générale que l’illustre penseur tirait de ses longs travaux, et le conseil qu’il considérait comme le plus indispensable à l’être humain dont il venait d’esquisser la filiation.

« Mais il y a, dit-il, encore une vérité qu’il ne lui importe pas moins de reconnaître, s’il ne doit même la placer au-dessus de celles qu’il a pu découvrir, par l’extrême utilité dont elle pourra être pour lui. C’est celle qui, une fois reconnue, lui montrera la nécessité de se renfermer, par sa pensée, dans le cercle des objets que lui présente la nature, et de ne jamais en sortir s’il ne veut s’exposer à tomber dans l’erreur et à en subir toutes les conséquences[2] ».

  1. Depuis que ces lignes ont été écrites H. Bergson a publié dans « L’Évolution créatrice » (un vol. in-8o de la Bibliothèque de philosophie contemporaine, 1907) une théorie de l’élan vital qui n’échappe pas aux critiques des adversaires du finalisme et ne modifie point nos idées à ce sujet.
  2. Lamarck. Système analytique des connaissances de l’homme, 1828.