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N’est-ce pas la même idée qu’exprimait récemment avec plus de force Félix Le Dantec dans son beau livre Les Lois naturelles :

« L’origine ancestrale de la logique impose des bornes à la logique. Pour avoir compris qu’il n’est lui-même qu’un phénomène naturel, l’homme doit renoncer à philosopher sur les phénomènes naturels autres que ceux qui sont directement de lui. Pour tout savant convaincu de l’origine évolutive de l’homme, la métaphysique n’est qu’un ramassis de mots vides de sens[1] ».

Il me sera permis, je pense, sans enfreindre une règle de conduite aussi sage, de dire quelques mots des modifications que les théories transformistes ont amenées dans notre conception des facultés intellectuelles de l’homme considéré comme le terme le plus élevé d’une série animale graduellement perfectionnée.

Les lois de l’imitation de G. Tarde et son Interpsychologie ne sont que l’application à l’espèce humaine de principes familiers aux zoologistes, et toute la théorie des instincts s’éclaire d’un jour nouveau si l’on fait intervenir, dans l’explication de ces curieux phénomènes de Physiologie comparée, les principes d’hérédité et d’adaptation par la lutte pour la vie.

Mais c’est dans l’étude de la formation des concepts intellectuels eux-mêmes, et dans la question si controversée de l’origine des idées innées, que se sont opérés de nos jours les changements d’opinion les plus importants, ceux dont les conséquences pratiques peuvent et doivent s’étendre le plus loin.

Ce n’est pas un mince sujet d’orgueil pour les adeptes des sciences biologiques, si jeunes encore et si longtemps considérées comme occupant un degré relativement inférieur de l’échelle des connaissances humaines, de voir l’idée de la sélection naturelle s’imposer peu à peu dans toutes les sciences de la nature et même dans le domaine de la Psychologie pure autrefois interdit au biologiste, et dont on peut dire aujourd’hui que, comme la peau de chagrin de Balzac, il va chaque jour se rétrécissant avec le progrès de la Physiologie.

Critiquant les doctrines évolutionnistes d’Herbert Spencer, Secrétan écrivait : « Nous reconnaîtrons avec empressement que nos jugements nécessaires n’ont pas toujours semblé tels, pourvu que

  1. Le Dantec, Les Lois naturelles, 1904, p. 233.