Page:Bulletin de la Commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais, tome 6, 1935.djvu/180

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« Ce prieuré est composé à présent d’un prieur, seigneur du lieu, d’un curé et de deux autres religieux de Saint-Eloy, qui, assistés de quelques clercs séculiers, chantent l’office et la sainte messe tous les jours ainsi qu’on fait à l’abbaye. Le chœur des religieux, quoique tenant à l’église de la paroisse, en est censé séparé, parce que le curé fait ses offices et ses devoirs paroissiaux à une chapelle qui est dans la nef de l’église, et non dans le chœur des religieux[1] ».

Quant au prieuré d’Aubigny (p. 37), il se composait d’un prieur, un curé et trois autres religieux.

« Ce prieuré étoit absolument sur le même pié que celui de Rebreuves avant que sire Paul Tabary ait fait réédifier la maison sur une hauteur au-dessus de la rivière en 1749 et 50. Par cette position les batimens sont séparés de l’église, et le prieur a perdu les droits de curé primitif, tels que ceux de bénir les fonds baptismaux, etc. - La maison du prieuré[2], mérite d’être vu, pour l’élégance de son architecture, sa position riante et la beauté de son jardin, Cette maison doit tout à sire Killien Gruyelle, qui en a dirigé le plan autant que l’architecte et qui a pris soin de l’embellir pendant seize ans qu’il fut dans ce poste, car il succéda à sire Paul Tabary en janvier de 1752 et il y mourut le 17 du même mois en 1768  ».

On savait quelque chose des querelles occasionnées par le transfert du prieuré sur la colline[3], mais le chroniqueur nous en apprend bien plus long (pp. 181 à 185) :

« 1751. Monsieur Tabary, prieur d’Aubigny, ayant achevé de rebâtir son prieuré, sous la direction de l’architecte Merville et avec l’assistance de Monsieur Gruyelle, il arriva un accident qui faillit avoir des suites très fâcheuses. Comme le nouveau bâtiment du prieuré étoit placé sur la hauteur du bourg, et que l’ancien étoit bâti près de l’église, qui pour lors étoit commune aux religieux et aux paroissiens, c’est-à-dire que, comme à Rebreuves, les religieux faisoient leurs devoirs dans le chœur et le curé dans une chapelle collatérale ; le nouveau Prieuré étant achevé, le prieur fit transporter la châsse de Saint Killien dans la chapelle des religieux, mais les paroissiens lui enlevèrent cette châsse et la reportèrent dans leur église. A cette nouvelle, Monsieur l’Abbé fit assembler la communauté au chapitre, où il dit qu’ayant fait serment de conserver les biens spirituels et temporels de l’abbaye à sa bénédiction, il se trouvoit obligé de revendiquer la châsse de Saint Killien. Monsieur l’Abbé fut mal conseillé dans cette occasion. On envoya deux charpentiers de l’abbaye qui se rendirent la nuit à Aubigny, et ayant détaché une fenêtre de l’église de la paroisse, ils prirent la châsse et la rapportèrent à l’abbaye[4]. Le lendemain, les paroissiens s’étant apperçu de cet enlèvement, coururent comme des furieux au Prieuré et mirent le pistolet sur la gorge du Prieur pour lui faire dire où la châsse étoit. Ils s’emparèrent ensuite du Prieuré, firent mille avanies aux religieux, de sorte qu’on fut obligé d’envoyer des grenadiers pour mettre le Prieuré hors d’insulte. On garda aussi six grenadiers dans l’abbaye, pour les menaces des habitans d’Aubigny, qui osoient former le dessein de venir forcer Monsieur l’Abbé à leur rendre la châsse. Quatre de ces mutins eurent l’audace de venir à

  1. L’église actuelle de Rebreuve est toute récente. Quelques détails donnés sur l’ancienne par D. Wartel trouveront place au tome VIII de l’Epigraphie.
  2. Ce bel édifice, qui sert aujourd’hui d’hospice et qu’on nomme l’Abbaye, est encore intact, sauf la chapelle démolie à la Révolution. Il domine tout le pays.
  3. Cf. notamment : abbé Perret, Histoire de saint kilien d’Aubigny ; Calais, 1920, in-12, pp. 105 et sq.
  4. A l’abbaye du Mont-St-Eloy.