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raire, dans les pièces de la décadence grecque ou de l’humanisme de la Renaissance, dans la tragédie française ou les œuvres des gens de lettres contemporains.

Toute cette distinction est claire, exacte dans son ensemble, un peu schématique et systématique, mais si lumineuse et si aisément vérifiable qu’en voyant l’ensemble des faits s’y plier avec si peu de peine, on s’étonne qu’elle ne soit pas depuis longtemps classique et l’on pense au fameux œuf de Christophe Colomb.

C’est lorsqu’on en vient à l’application que les objections surgissent : car, si la conclusion du livre s’efforce de tenir la balance égale entre deux conceptions également incomplètes, les chapitres témoignent d’une prédilection que les antécédents de l’un des auteurs font aisément prévoir. Sans nul doute, M. Baty préfère un jeu scénique sans texte à un texte sans jeu ; nous savons que « Sire le Mot » n’est point de ses préférés, et que la passion de la mise en scène l’emporta parfois dans ses réalisations sur le respect religieux du verbe ou des intentions de l’écrivain ; voilà pourquoi, entre autres disproportions singulières, la commedia dell’arte a droit à huit pages chaleureuses, tandis que Racine doit se contenter de quinze lignes fort tièdes.

Il y a aussi quelques illusions sur le compte des périodes bienheureuses où le fameux équilibre s’est réalisé : le « miracle grec » n’est qu’apparent, et la communion admirable de ce peuple artiste ne réunissait qu’une aristocratie de citoyens, dont les esclaves, supérieurs en nombre, étaient soigneusement exclus ; il n’est pas prouvé, loin de là, que les auditoires du moyen âge fussent homogènes et leur composition toujours identique : on s’accorde à penser que les diableries des mystères ne s’adressaient pas à la même partie du public que leurs développements symboliques ou théologiques, et telle moralité, sotie ou même farce a