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Page:Bulletin de la société des historiens du théâtre, année 3, n°1-2.djvu/6

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théâtral pendant la Révolution de 1789 ; aussi bien est-ce l’étude spéciale du théâtre de cette période qui nous a suggéré ces observations. Donnons une idée des questions qui peuvent se poser : en quelle mesure le goût théâtral change-t-il ? à quel moment ? dans quels théâtres ? en quelle mesure l’ancien goût se conserve-t-il ? jusqu’à quel moment ? dans quels théâtres ? En outre, se produit-il une répartition du public par théâtres selon les milieux politiques ou sociaux ? Dans un théâtre donné, ou dans tous les théâtres, le public antérieur est-il éliminé par un autre ? un même public, dans un même théâtre, ou dans des théâtres différents, va-t-il goûter des spectacles qui, à première vue, sembleraient devoir satisfaire des tendances contradictoires ? Et quelles sont les influences de tous ordres, politiques, morales, sentimentales, littéraires, artistiques, qui ont présidé à tout cela ?

Il nous faudra peut-être renoncer à répondre à certaines de ces questions d’une manière pertinente. Mais nous nous sommes rendu compte que certaines pourraient être résolues avec assez de précision si nous avions en main l’instrument nécessaire.

A l’heure actuelle nous pouvons bien recueillir ça et là, au hasard des recherches, quelques documents sur ces problèmes : les rapports de police, les almanachs, les journaux de la collection Rondet nous fournissent des renseignements ; les préfaces, le nombre des éditions nous en donnent d’autres, comme aussi les indications d’éditeurs, sous le titre des brochures. Une d’entre elles, par exemple, nous apprend qu’une comédie très anodine, Cadichon et les Bohémiennes, de Pujoula, a été représentée 70 fois en moins de quatre ans (1792-1795) ; une autre, qu’une imitation assez niaise de Gessner, l’Amour filial, de Demoustier, a été représentée 104 fois en moins de trois ans (1792-1794) : curieuses survivances de l’esprit d’ancien régime ; mais ce ne sont là que des fragments d’information.

Nous voyons fort bien que ce qu’il nous faudrait pour établir une enquête sérieuse, c’est un répertoire complet de tout ce qui était représenté jour par jour, dans tous les spectacles de Paris. En effet, nous avons bien des répertoires de nouveautés (Bibl. de Tourneux, almanachs et catalogues divers), mais comment savoir, d’une part, le succès de ces nouveautés ? comment savoir, d’autre part, tout ce que l’on jouait, outre les nouveautés, et qui subsistait des années antérieures à 1789 ? Seul le répertoire que nous demandons nous fixerait d’une manière indubitable et complète.

Or ce répertoire est possible : les annonces des représentations par certains journaux, par exemple le Journal de Paris, permettraient de le