Page:Bulletin de la société des historiens du théâtre, année 3, n°5-6.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
— 79 —

bonheur le répertoire de la troupe Klairwal en 1764, lors de son deuxième passage à Abbeville (P. de Caieu, o. c., p. 602). Sans doute, il a pu, il a dû se renouveler partiellement depuis l’année précédente, mais toujours dans le même esprit. Nous ne pouvons pas dire avec certitude ce qu’on a joué devant les Dieppois en 1763, mais nous pouvons apprécier, sans trop de risque, la « tenue littéraire des représentations et l’opinion de M: Quesnot nous paraît entièrement fondée.

Le répertoire d’Abbeville, 1764, comprend une cinquantaine de pièces, dont vingt et un opéras-comiques, généralement donnés comme petite pièce quatre tragédies, toutes de Voltaire dix-neuf comédies (quatre de Molière et cinq de Regnard) quatre comédies larmoyantes de Gresset ou de La Chaussée. Dans cette liste figurent en effet Sidney et Jérôme et Fanchonnette, les deux seules pièces dont on ait gardé le souvenir à Dieppe, ce qui nous confirme que la troupe d’Abbeville 1763 et 1764 et celle de Dieppe 1763 ne font qu’un. Mais le passage de la troupe Klairwal à Dieppe est encore intéressant à un autre titre il fut l’occasion d’incidents assez violents et très révélateurs. Le Mardi Gras, un spectateur, ivre, cause du scandale, met l’épée à la main, blesse un soldat, et finit par être conduit à la prison (militaire) du château. Le procureur du roi saisit les juges de police d’une plainte et une instruction est ouverte contre ce particulier nommé Robert, fils du directeur des aides. Là-dessus le duc d’Harcourt, lieutenant général de Normandie, intervient, fait relâcher le prisonnier, déclarant que sa détention est une punition suffisante, demandant des explications sur une procédure qui n’est point de la compétence des Échevins, la police du spectacle regardant directement le major de la Place.

La municipalité ne s’émeut guère elle était, paraît-it, édinée sur les empiétements systématiques de l’autorité militaire » on se borne à mettre au courant du conflit le Parlement de Rouen, qui ne répond pas, et on poursuit l’enquête le 20 juillet, Robert et un de ses amis sont condamnés à 50 livres d’amende. M. Quesnot n’indique pas, et n’a sans doute pas vu, qu’on ait fait appel de cette sentence. H rendrait, je crois, un signalé service en nous faisant connaître, au moins par d’abondants extraits, le texte des témoignages nous aurions là un document vécu » sur les relations des acteurs et du public, et sur la mentalité des spectateurs, souvent plus grossiers que ces comédiens qu’ils traitaient en parias. Mais telle qu’il nous l’expose, l’affaire nous apparaît déjà comme importante et grave.