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Page:Bulletin de la société des sciences historiques et naturelles de la Corse, fasc. 352-354, février 1913.pdf/122

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Bibliographie

faire réussir. Il se fait proclamer roi de Corse par les insulaires mécontents en leur faisant des promesses ; seulement il ne sait pas maintenir la couronne sur sa tête. Il monte une affaire commerciale avec sa royauté. Prudent à l’excès, il fuit quand il faut agir. Il se déguise et se cache. Il a toujours la plume à la main, jamais l’épée. Il conspire : il se faufile auprès de hauts personnages ; on se sert de lui pour des entreprises louches ; tous les projets avortent. Il est l’homme des antichambres et des cabinets secrets et non des champs de bataille ; quand il faudrait se battre, il négocie. Il sait faire de belles phrases, mais pas le beau geste qui en impose. »

C’est le 12 mars 1736 que la vie de ce personnage commence à intéresser la Corse et depuis lors sa carrière se divise en trois parties. La première comprend les tentatives faites dans l’île même, pour s’assurer une royauté durable. La deuxième s’étend de 1737 à 1747 : elle est remplie par les intrigues auxquelles Théodore se prêta complaisamment dans l’espoir d’être rétabli sur son trône. Mais il y renonce malgré lui, à partir de 1747 et, prince déchu, il vit misérablement en Angleterre jusqu’à ce que la mort le délivre en 1756.

C’est à la situation de la Corse en 1735 qu’il faut demander l’explication de l’enthousiasme qui accueillit l’aventurier, à son débarquement sur la plage d’Aleria. L’administration génoise avait été dans les siècles précédents si intolérable que depuis 1729 les habitants étaient révoltés contre leur maître et étaient prêts à se donner à un sauveur, quelqu’il fût. Une intervention de l’empereur germanique, en 1731, n’avait produit aucun résultat ; celle d’un simple gentilhomme allemand faillit être plus heureuse. Né en 1694, à Cologne, élevé d’abord en Westphalie, puis à la cour de Versailles, comme page de la duchesse d’Orléans, il « y fut vite initié à la vie et aux intrigues de la Cour »