Page:Bulletin de la société géologique de France - 1re série - 3 - 1832-1833.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écrivait à M. Schecber, inspecteur des mines à Grenoble, une note rapportée par M. de Thury.

« Je viens de voir entre Rumilly et Annecy des sables aurifères qui m’ont paru si extraordinaires, et tellement étrangers au pays calcaire que je venais de parcourir, que ne pouvant croire qu’ils eussent réellement été pris dans le torrent des Beauges, je me suis cru obligé de le remonter avec un des orpailleurs de Rumilly pour en étudier les sables et les graviers. À peine avions-nous fait quelques pas dans cette vallée, que je fus convaincu que les sables devaient en effet en provenir ; mais je n’en continuai pas moins mes reconnaissances, et jugez je ma surprise, quand, au lieu de cette vallée de calcaire compacte que je croyais voir, comme dans les Beauges, je me trouvai pendant plus de deux lieues au milieu de blocs et de galets de roches primitives de toute espèce ; porphyres, trapps, cornéenne talqueuse, plus ou moins altérés et décomposés, puis des poudingues entremêlés de bancs de sables et de graviers, recouvrant des grès micacés ; enfin des sables dans lesquels se trouvaient des cristaux de feroxidulé magnétique, des paillettes d’or, du feldspath, du grenat, du rubis, des hyacinthes ; enfin, toutes gemmes que je ne m’attendais nullement à trouver dans le torrent des Beauges. Comment s’y trouvent-elles ? Quelle est leur origine ? A moins qu’elles ne proviennent de la décomposition de ces poudingues de roches primitives, je ne sais à quoi les attribuer. Ailleurs, je les déclarerais volcaniques comme celles du sable du ruisseau d’Expilly ; mais dans cette vallée, je n’ai vu aucun caractère, aucun indice, rien qui puisse faire présumer l’action des volcans. Cependant, peut-être un jour en trouvera-t-on des témoignages ; peut-être alors le creusement des grandes cavernes de nos Alpes calcaires sera-t-il regardé comme produit par l’action simultanée de violent tremblement de terre, et de quelque grand courant acide qui aura surgi de ses entrailles ; peut-être alors, on expliquera par la même cause les soulèvemens, les redressemens et les affaissemens des grandes masses calcaires de nos chaînes subapennines ; peut-être enfin, après avoir repoussé l’opinion du chevalier de Lamanon, qui le premier nous a parlé de volcans dans les vallées des Alpes, sera-t-on obligé de l’adopter. Pour moi, je ne puis douter de ce que j’ai vu ; mais je n’ose présentement en tirer aucune conséquence. Quant aux sables aurifères et gemmifères, je le répète, ils appartiennent bien réellement la vallée du Chéran des Beauges. »