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Page:Bulletin du Comité de l'Asie française, numéro 1, avril 1901.pdf/36

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BULLETIN DU COMITÉ

suit la router d’Ouliasoutai à Kalgan jusqu’à Ologoi. Quelques uns, isolés et hardis, vont plus loin, et prolongent leur champ commercial jusqu’à 450 verstes d’Ouliasoutai, à 1.200 verstes du point où ils ont quitté le sol russe.

La prospérité de ce commerce est fondée sur les raisons que nous avons dites, et sur la confiance que le Mongol témoigne au Russe de préférence au Chinois qu’il déteste. Elle serait plus grande encore si les Russes étaient mieux protégés contre les exactions des autorités chinoises, et si leur propre conduite était contrôlée. Mais le grand obstacle au développement du commerce est la route terrible qui mène de Biisk en Mongolie par la vallée de la Tchouia. Elle est barrée de 19 seuils rocheux et accessible seulement aux bêtes de somme. Dans la séance du 10 novembre 1893, le Comité sibérien a voté 25.000 roubles pour l’amélioration de la route actuelle et 15.000 roubles pour la création d’une nouvelle route. Alors pourront se développer d’une part l’exportation du fer de l’Altaï, d’autre part le commerce de la laine de chameau et de mouton, qui a commencé en 1893, et qui paraît de grande importance pour l’avenir.

À l’est de l’Orkhon s’arrête le commerce russe. Nous avons vu combien il est faible à Ourga, où il ne dépasse pas 45.000 roubles, tandis qu’il est nul dans les kochouns environnants. Il ne reprend que bien à l’Est, sur le cours moyen du Kéroulen, en Mandchourie.

IV

La Mandchourie est un pays fertile, d’aptitude surtout agricole. La population, indigènes et colons chinois, est pauvre et a peu de besoins. Une longue frontière la sépare des possessions russes, Transbaïkalie, Amour et province littorale : terres d’avenir, mais pour le moment à peu près désertes, et peuplées seulement d’indigènes sauvages, de cosaques, de quelques colons, et des ouvriers qui travaillent dans les mines d’or. Les transactions sont donc forcément faibles entre les deux pays.

Le commerce entre la Mandchourie et la Sibérie est libre de toute taxe dans une bande de 50 verstes de chaque côté de la frontière. Les marchandises qui entrent dans le pays doivent passer par des bureaux établis sur la frontière ; là, selon leur destination, elles passent en franchise ou acquittent les droits. Les traités et les lois russes interdisent l’importation et l’exportation de différentes marchandises : les plus importantes pour la Mandchourie sont le sel, le riz, le khan-chin (eau-de-vie) et l’opium, dont l’entrée est interdite en Russie. Mais la surveillance en ces lointaines régions étant faible ou nulle, les règlements sont en pratique éludés. Le commerce sur la frontière est presque entièrement aux mains des Chinois.

Nous sommes mal renseignés sur le commerce qui se fait le long de l’Argoun. D’un côté, quelques Cosaques ; de l’autre, des indigènes pasteurs et chasseurs et des marchands chinois. Les Cosaques vendent leur bétail, un peu de drap, de peluche et de bias, un peu de blé pour les fabriques d’or chinoises, et des pelleteries. Ils achètent du thé en briques, des cotonnades, de la soie à bon marché, de la toile, et du bétail. Il faut remarquer que les indigènes de cette partie de la Mandchourie, vivant d’élevage et de chasse, ont besoin de tous les objets manufacturés. Ils les achètent aujourd’hui aux Chinois. Ils les achèteront aux Russes à mesure que l’industrie se développera en Transbaïkalie.

Le long de l’Amour, du confluent de l’Argoun à celui de l’Oussouri, la rive chinoise est peu peuplée et les échanges sont faibles. Le commerce est concentré en deux points : Blagovietchensk, au confluent de la Zeia, et Khabarovska, où aboutissent les produits du Soungari.

Blagovielchensk est le point central du commerce entre la Mandehourie et la province de l’Amour. Il compte 20 maisons de gros, 150 boutiques de détail. Là se concentrent les envois de la Mandchourie au premier rang les céréales du bassin du Soungari, et le bétail qui vient de Mongolie en traversant toute la Mandchourie ; puis les objets manufacturés chinois, européens et américains, qui viennent de Konan-tchen-tsé et de Moukden ; les tissus de Corée, les cigares de Manille, les vins étrangers, etc… — soit un total de 1.270.000 roubles en 1894, de 1.361, 000 roubles en 1895. De là, ces marchandises se répandent dans toute la province de l’Amour, dont elles alimentent les mines d’or, et dans la province littorale.

En retour, Blagovietchensk n’envoie presque rien en Mandchourie : 82.000 roubles seulement, dont 60.000 de produits manufacturés, 20.000 d’objets de fer et de cuivre, 2.000 de cire et de chandelles.

Le Soungari est la grande route de commerce entre la Mandchourie et la Sibérie. Mais toutes les opérations des marchands russes avec son bassin se font par des intermédiaires chinois. Jusqu’à ces derniers temps, les autorités chinoises interdisaient font commerce direct aux Russes, sauf à un seul, le marchand Tiphontai, de Khabarovka, Chinois naturalisé. En 1895, les défenses furent levées ; mais les expéditions des marchands russes échouèrent toutes, soit par ignorance de la langue, soit par un effet de la jalousie des agents de Tiphontai, qui seul écoula son stock, vendu 10 ou 20 % plus cher qu’à Khabarovka.

L’exportation du Soungari comprend avant tout les céréales ; ensuite, une eau-de-vie appelée khan-chin, qu’on amène l’hiver à Blagovietchensk par terre et qui l’été descend le Soungari. De là elle se répand dans la province littorale et sur les deux rives de l’Amour, où elle fait concurrence à la vodka locale. Elle a le double mérite d’être très forte (70°) et très bon marché : le poud ne coûte, arrivé à Blagovietchensk, que 3 1/2 à 6 roubles en gros. Dans les villages russes, après que des coupages successifs ont abaissé sa force jusqu’à 40°, elle coûte seulement 20 à 30 kopecks