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DE L’ASIE FRANÇAISE

la bouteille. Il en entre par an 56.000 pouds dans les frontières russes, et ce commerce fait gagner aux marchands chinois 100 à 150.000 roubles.

L’importation des produits soungariens à Khabarovka augmente rapidement. Elle était en 1894 de 161.000 ponds, et en 1895 de 194.000[1] : c’est en un an un progrès de 20 %. Au total, il sort du bassin du Soungari 500.000 pouds de denrées. Il y en a donc 300 000 qui n’entrent pas à Khabarovka. Ceux-là, arrivés au confluent, remontent ou descendent l’Amour et après lui l’Oussouri. Sur l’Oussouri, les marchands soungariens font un commerce actif avec les indigènes, sujets russes, goldes, ghiliaks, etc…, le marchand exploitant l’indigène qui a travaillé toute l’année pour lui, et qui a gardé jusqu’à son arrivée les fourrures et les produits de la pêche.

Nous n’avons pas de données sur l’exportation russe par le Soungari. Nous savons seulement qu’elle est peu considérable : car sur 119 jonques rennes à Khabarovka en 1895, 55 sont retournées sans chargement.

Depuis Khabarovka, le long de l’Oussouri et jusqu’à la mer, la frontière a mille verstes de longueur. Mais le commerce qui s’y fait est peu important, sauf celui dont nous venons de parler et qui vient de Khabarovka. Le trafic n’est permis qu’en sept points. Dans trois d’entre eux, qui sont sur la frontière de terre, au sud des sources de l’Oussouri, depuis 1890 on enregistre les marchandises. Ces registres sont les seules données que nous ayons sur le commerce de la région. Nous ne savons done rien sur le commerce des rives de l’Oussouri, sinon, comme nous l’avons dit, que les marchands du Soungari y apportent leurs marchandises aux indigènes en échange des produits de la chasse et de la pêche ; que sur la rive chinoise, peu peuplée, chacun des rares villages a sa fabrique de khan-chin, et que les colporteurs chinois, franchissant le fleuve, introduisent la liqueur en contrebande chez les Cosaques et les sauvages ; qu’enfin, depuis quelques années, les travaux de construction du Transsibérien ont donné un peu de vie commerciale à ces parages déserts.

Au Sud, sur la frontière de terre, il y a deux points importants pour le commerce : le bureau Poltovskaia et le bureau Khoutchounskaia.

Le bureau Poltovskaia conmmande le district mandchourien de Ningout, dont le commerce avec la province littorale russe est aux mains des marchands chinois de San-tcha-koou. Ils achètent le blé, le khan-chin, le tabac et l’huile aux producteurs mandchous, l’or aux fabricants d’or. Ils les envoient à Nikolskoe, où ils ont leurs succursales et leurs commissionnaires, et où arrivent d’autre part, pour être échangées, les marchandises russes, européennes et surtout chinoises, amenées par mer à Vladivostok de Hong-kong, Canton, Chang-haï et Tché-fou. — Le bureau Khountchounskaia est sur la route de Khountchoun au port russe de Pociet. Par cette route, le district de Kkountchoun exporte activement ses produits agricoles dans les possessions russes. Les produit, sont envoyés absolument bruts : ainsi le districts qui a 12.000 fermes, n’a que 3 presses à faire le beurre. Cette exportation est l’unique objet du commerce. En résumé, tout le commerce du Sud-Oussouri est aux mains des Chinois de Khountchoun et de San-tcha-koou, qui ont des représentants à Nikolskoe et à Vladivostok. Ce commerce croîtra dans l’avenir. Il se développera à mesure que les possessions russes se peupleront. Car elles auront toujours besoin de céréales et surtout de bétail de labour et de boucherie. Dès aujourd’hui, la Mandchourie leur en fournit annuellement 20.000 têtes.

Le commerce se faisant par voie d’échanges, la Mandchourie importe nécessairement du Sud-Oussouri à peu près autant qu’elle y exporte. Elle reçoit les produits des industries maritimes, trépang, crabes, etc… Jusque vers 1880, ces industries étaient aux mains des Chinois de Kountchoun. Ils ont été supplantés par ceux de Vladivostok. Alors l’importation par terre a diminué, et une partie considérable des produits a pris la route de mer, vers Tché-fou et vers In-tsé (Chang-haïkouan). La Mandchourie reçoit encore, par bureau Khountchounskaia, le sel qu’on tire de l’eau de mer dans la partie sud du golfe de Pociet. Toute la Mandchourie jusqu’à Girin en use, ou du sel étranger passé en transit à travers les possessions russes, en particulier par Khan-si. Le reste des importations ne formait pas, en 1894, un 1/10 du total, et s’élevait seulement à 50.000 roubles[2]. Le drap y entrait pour 25.000, la cire pour 12.000, le fer brut et ouvré pour 10.000 ; puis venaient le sucre, les allumettes, etc.

Mais la principale importation est celle des marchandises étrangères traversant en transit les possessions russes. Le transit se fait par Khan-si et par Vladivostok. Le port de Khan-si offre de bonnes conditions naturelles de stationnement et de débarquement. C'est le port le plus rapproché du bureau Khountchounskaia, dont il n’est qu’à 45 verstes, et où les marchandises sont transportées pour 8 à 10 kopecks par 3 pouds 1/2. Khan-si est un des points dont l’importance croîtra avec le progrès de la Mandchourie. Là abordent pour Khountchoun les objets d’origine européenne ou américaine : coutil, shirting, mousseline, toile indiennes, vêtements de laine, ouate, allumettes, cire, lampes, sel. Le transit des objets chinois, qui est le plus important, se fait au contraire par Vladivostok et le bureau Poltovskaia : principalement les vêtements confectionnés ; puis la toile, le coton, les chaussures, la chandelle, les porcelaines.

Tels sont les échanges qui se font le long des frontières sibériennes. Nous avons essayé d’en

  1. Valant 153.520 roubles.
  2. À Khountchoun, sur 24 maisons de commerce, il n’en est qu’une, la maison De-fa-fou, qui se consacre à l’importation des objets manufacturés de provenance russe ou étrangère.