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nos jours à grand bruit. Malheureusement, ces tentatives demeurèrent ignorées des magisters de village : la revue que nous esquisserons sera donc beaucoup plus archéologique que pédagogique.

Pour en réunir les matériaux, la bibliothèque du Musée pédagogique nous offrait ses trésors : nous y avons puisé largement. Nous avons trouvé à la bibliothèque du Havre un certain nombre d’anciens traités d’éducation, dont un exemplaire du livre de l’Ecole paroissiale provenant de l’abbaye de Fécamp. À ces sources venaient se joindre la collection de la Revue pédagogique, plusieurs fascicules de Mémoires et documents publiés par le Musée pédagogique, et le Dictionnaire Buisson que nous avons dû parcourir page à page, afin d’y glaner ce qui se rapportait à notre sujet. Si ce travail n’offre rien d’inédit, au sens étroit du mot, on y trouvera des détails jusqu’alors épars et peu connus dont la réunion, pensons-nous, ne sera pas sans intérêt pour les historiens de l’enseignement primaire.

LA LECTURE.

La lecture du français par le latin. — Telle était, en France, la force des traditions monastiques du moyen âge que, jusqu’au XIXe siècle, le premier livre de lecture fut presque toujours écrit en latin, c’est-à-dire dans une langue inintelligible pour les élèves et souvent aussi pour le maître. L’autorité religieuse, directrice supérieure des «petites écoles», laissait faire parce que cette méthode lui fournissait de bonne heure les petits clercs — les clergeots en Normandie — dont elle avait besoin pour le service du culte, et lui réservait pour plus tard des choristes de bonne volonté.

Au point de vue pédagogique, aucune raison ne justifiait cet usage. On objectait, il est vrai, que toutes les lettres se prononcent en latin et qu’on n’y rencontre pas les difficultés offertes par les diphtongues du français ; mais la lecture du français devant être le véritable but final de cet exercice, on ne faisait qu’ajourner, sans les résoudre, les difficultés que le latin ne présente pas. D’ailleurs il suffisait de choisir dans le français des mots formés d’éléments simples, pour y trouver l’avantage matériel offert par le latin, et rendre en même temps la lecture attrayante. L’enfant, en effet, ne pouvait prendre aucun goût à un exercice auquel il n’entendait rien ; les mots lui apparaissaient comme autant de signes cabalistiques,