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un voyage

ce dont il s’agit ; il travaille dans son coin, sans s’occuper de tout cela, n’en sait rien, rien du tout, et n’y prend aucun intérêt… Singulière folie d’espérer que Frédéric n’apprendrait pas qui avait écrit la lettre ! Mais Voltaire désirait-il vraiment que Frédéric ne l’apprît pas ? Quoi qu’il en soit, Frédéric est vite au courant. Il n’a pas un grand goût pour Maupertuis. Mais il l’a fait président de son Académie, c’est une chose à lui. Voltaire qui, il commence de le sentir, n’est pas une chose à lui, l’atteint dans son autorité. Alors, sans signer, lui non plus, il publie une lettre où, avec des hardiesses toutes royales, il compare Maupertuis à Homère. Et par exemple, il remarque entre eux cette analogie : les villes de Grèce se contestaient l’honneur d’avoir vu naître le dieu de poésie, et pour Maupertuis : « Les villes de Berlin et de Saint-Malo se disputent laquelle est sa véritable patrie. »

Quant à Voltaire, Frédéric le définit tout net :

« Ce faiseur de libelles sans génie, cet ennemi méprisable d’un homme d’un rare mérite. » Puis, afin qu’on ait une idée exacte sur le talent de Voltaire, il stigmatise énergiquement : « la grossièreté plate de son pamphlet, sa frivolité, sa scélératesse et son ignorance ». — Ce roi était plus grand sur les champs de bataille que dans la critique littéraire.

Frédéric sait que la lettre est de Voltaire, Voltaire est vite informé que la réponse est de Frédéric. Et comment ne le serait-il pas, quand la seconde édition de l’injurieuse riposte paraît avec