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l’ombrie

et au milieu de leur reconnaissance, il se trouve seul encore.

Un jour, à Rome, une inspiration le traverse. Il dépouille ses beaux vêtements, emprunte les haillons d’un miséreux, et jusqu’au soir reste sur le parvis de Saint-Pierre, demandant l’aumône. Il a reçu mainte rebuffade, vu du mépris dans certains regards, tout son orgueil a souffert. Et puis, il est étrangement heureux et calme…

À quelque temps de là, près d’Assise, il se promène à cheval, rêvant au besoin, encore mal compris, qui tourmente son cœur. En travers du chemin, un lépreux se présente. La lèpre, c’est le dégoût de François, son épouvante. Il tourne bride, part au galop. À l’instant même une détresse inouïe pénètre toutes ses fibres. Il a honte. Il se hait. D’un effort terrible, il dompte sa répulsion ; il revient sur ses pas, rattrape le lépreux, donne tout son argent, et baise la main, rongée par le mal hideux. Ensuite, frémissant de son dégoût maîtrisé, ivre de sa victoire, il se remet en route.

Le lendemain, il va à la léproserie, soigne les malades avec tendresse. Il n’a plus d’horreur ; de la joie seulement. Il a trouvé ce qu’il cherchait ; il est libre !

Saint François a enseigné l’amour, mais bien davantage, la liberté. Il nous a dit que posséder, c’est esclavage ; que s’aimer soi-même, c’est esclavage : esclavage, l’orgueil, la domination. Il nous a dit, et montré, qu’on est libre, lorsqu’on prend plaisir à jeter les pièces d’or dans la poussière ;