Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/122

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« À l’hôtel de l’Agneau, on reçoit le Journal de l’homme modéré, où l’on dit que c’est un des plus habiles de la chambre des Communes, continua le garçon d’un ton confidentiel. Mais au Lion nous recevons la Foudre du Peuple, et nous connaissons mieux ce môssieur Trévanion. Ce n’est qu’une girouette, du lait et de l’eau. Ce n’est pas un horateur ; pas de la bonne sorte, vous me comprenez ? »

Parfaitement convaincu de ne pas comprendre du tout, je souris et répondis :

« Oui, oui ! »

Puis, endossant mon havre-sac, je commençai mes aventures. Le garçon criait derrière moi :

« Monsieur, rappelez-vous de dire à ma tante que c’est moi qui vous ai envoyé ! »

La ville ne donnait que de faibles symptômes de son retour à la vie lorsque je traversai ses rues. L’indolent Phébus me paraissait pâle et maladif à son lever, en comparaison de la clarté fiévreuse et artificielle dont j’avais été témoin la veille au soir ; les ouvriers que je rencontrais passaient devant moi hagards et abattus ; quelques boutiques matinales étaient seules ouvertes ; un ou deux ivrognes, sortant d’étroites ruelles, rentraient chez eux avec des pipes cassées à la bouche ; des affiches en grandes capitales appelaient l’attention sur les meilleurs thés de ménage à quatre schellings la livre, sur l’arrivée de la ménagerie de bêtes féroces de M. Sloman, et sur les pilules paracelsiennes d’immortalité du docteur Floue-les ; mais ces affiches me regardaient d’un air sombre et triste du haut des maisons désertes et délabrées, à cette froide clarté du soleil levant qui ne favorise aucune illusion.

Je me sentis plus à l’aise lorsque, ayant laissé la ville derrière moi, je vis les moissonneurs dans les champs de blé, et entendis le gazouillement des oiseaux. J’arrivai au château dont le garçon m’avait parlé. C’était une charmante maison de campagne, à demi cachée par un rideau de grands arbres, avec deux grandes grilles de fer pour les amis du maître, et un petit tourniquet pour le public : car, soit par suite d’une étrange négligence du propriétaire, soit à cause de l’indifférence des magistrats du voisinage, le public avait conservé le droit de traverser les domaines de ce riche et de contempler sa grandeur en se conformant toutefois à la sage recommandation