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placardée à l’entrée, de rester dans les chemins. Comme il n’était pas encore huit heures, j’avais tout le temps de voir cette propriété, et, profitant de l’avis du garçon d’hôtel, j’entrai et demandai la vieille dame qui était la tante de M. Bob. Une jeune femme occupée à faire le déjeuner me salua très-poliment, et, courant vers un tas de guenilles que je découvris alors dans un coin, s’écria :

« Grand’mère, voici un monsieur pour voir la cascade. »

Le tas de guenilles se tourna et montra une figure humaine qui s’éclaira d’un rayon d’intelligence lorsque sa petite-fille me dit avec simplicité :

« Elle est vieille, la brave créature ; mais elle aime encore à gagner sa pièce de six pence, monsieur. »

La vieille s’empara d’une béquille, pendant que sa petite-fille lui mettait un chapeau sur la tête ; puis elle se mit à marcher d’un pas qui me surprit.

J’essayai de lier conversation avec mon guide ; mais cette femme ne paraissait pas très-sociable, et la beauté des berceaux et des allées qui s’ouvraient devant mes yeux me réconcilia avec le silence.

J’ai vu, depuis, beaucoup de sites charmants ; mais je ne me rappelle pas avoir rencontré un plus beau paysage dans le genre qui est particulier à l’Angleterre. Il n’avait aucun des traits caractéristiques des vieux parcs féodaux avec leurs chênes géants, leurs troncs noueux et fantastiques, leurs vallons pleins de fougères et leurs daims groupés sur les flancs des collines. Au contraire, malgré quelques beaux hêtres, l’impression qu’on éprouvait était celle d’un pays nouveau, d’une plantation artificielle. On voyait, dans les prés, les traces des haies qui avaient été arrachées et remplacées par des grillages en fils de fer ; de jeunes arbres plantés avec un goût exquis, mais où l’on ne retrouvait pas ces avenues et ces quinconces vénérables auxquels on reconnaît les parcs qui datent d’Élisabeth et de Jacques, diversifiaient la riche uniformité du tapis de verdure. Au lieu de daims, il y avait du bétail à cornes courtes de la plus belle race, et des moutons qui auraient gagné les prix aux expositions agricoles. Partout on voyait la preuve du perfectionnement, de l’énergie, du capital, mais d’un capital qui n’a pas été dépensé exclusivement pour le revenu. L’ornemental l’emportait trop visiblement sur le lucratif