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au milieu de la chambre. Sir Sedley Beaudésert est adossé contre le mur près de la fenêtre, derrière ma mère qui, depuis que son Austin a ses vieux amis autour de lui, paraît plus jolie et plus heureuse encore que de coutume. Et moi, le coude appuyé sur la table et le menton dans ma main, je contemple avec admiration sir Sedley Beaudésert.

Ô rare spécimen d’une race qui ne tardera pas à disparaître entièrement ! spécimen du vrai gentilhomme, avant que le mot dandy fût connu, avant que l’adjectif exquisite fût devenu substantif, je vais m’arrêter ici pour te décrire !

Sir Sedley Beaudésert était contemporain de Trévanion et de mon père ; mais, sans affecter d’être jeune, il paraissait jeune encore. Costume, ton, air, manières, tout en lui était jeune ; et pourtant tout avait une certaine dignité qui n’appartient pas à la jeunesse. À vingt-cinq ans, il avait la réputation d’un marquis français de l’ancien régime, c’est-à-dire, il était le plus charmant homme de son temps, le plus populaire de notre sexe, le plus favorisé du vôtre, ma jolie lectrice. C’est une erreur, je crois, de supposer qu’il ne faut pas de talent pour devenir à la mode ; quoi qu’il en soit, sir Sedley était à la mode, et il avait du talent. Il avait beaucoup voyagé, il avait beaucoup lu, surtout des mémoires, de l’histoire et des poésies ; il tournait le vers avec grâce, avec une certaine originalité d’esprit facile et de sentiments élégants ; il causait délicieusement ; ses manières étaient pleines de politesse et d’urbanité ; sa conduite était celle d’un brave et d’un homme d’honneur. Il pouvait être flatteur en paroles, il était sincère dans ses actions.

Sir Sedley Beaudésert ne s’était jamais marié. Quel que fût son âge, il paraissait encore assez jeune pour être épousé par amour. Il était d’une naissance distinguée ; il était riche ; il était populaire, je l’ai déjà dit ; pourtant on voyait sur son beau visage une expression de mélancolie, et sur son front, que l’ambition n’avait pas ridé, que l’étude n’avait pas courbé, une ombre de regret sur laquelle il n’y avait pas à se méprendre.

« Je ne sais pas cela, dit mon père. Je n’ai pas encore trouvé dans ma vie un homme qui fît du bonheur sa fin et son but. L’un cherche à faire sa fortune, l’autre à dépenser celle qu’il possède ; celui-ci veut obtenir une place, celui-là se créer