Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/207

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l’âge le plus heureux est celui où de pareils sentiments ne peuvent plus nous agiter. Ce sont des erreurs dans le cours de la vie sereine et pleine de majesté que le ciel a destinée à l’homme contemplatif. Nos âmes devraient être sur la terre comme des étoiles fixes, non comme des météores, des comètes vagabondes. Que pouvais-je offrir à Ellinor, à son père ? Rien qu’un avenir de travail et de patience ! Et quelle que fût la réponse, quelle alternative de misère ! mon existence brisée, ou brisé le noble cœur de Roland !

« Eh bien ! nous allâmes à Compton. Dans nos précédentes visites, nous avions été presque les seuls hôtes. Lord Rainsforth n’aimait pas beaucoup la société des propriétaires campagnards, moins instruits alors qu’aujourd’hui. Ce qui peut excuser Ellinor et nous, c’est que nous avions été presque les seuls hommes de son âge qu’elle eût vus dans ce grand et triste château. Mais alors la saison de Londres venait de finir ; Compton était encombré ; nous ne pouvions plus approcher aussi familièrement de la maîtresse du château. Il y avait autour d’elle de grandes dames, des élégants ; un regard, un sourire, un mot en passant, c’était tout ce que nous avions le droit d’attendre. Et la conversation aussi, quelle différence ! Autrefois je pouvais parler de livres, et j’étais chez moi alors. Roland pouvait répandre au dehors ses rêves, son amour chevaleresque pour le passé, ses bravades contre un avenir inconnu. Et Ellinor, instruite et pleine d’imagination, sympathisait avec nous ; son père aussi, qui était un savant autant qu’un homme du monde. Mais alors !… »


CHAPITRE VII.

Dans lequel mon père amène le dénoûment.

« Dans le monde, reprit mon père, il ne sert à rien de savoir toutes les langues exposées dans les grammaires et déchiquetées dans les dictionnaires, si on ne sait pas le langage