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« C’est une chose bien connue, dit-il d’un air rêveur, que certaines drogues et certaines herbes font du bien au corps en telle ou telle maladie. Quand nous sommes malades, nous n’ouvrons pas notre pharmacie domestique pour y prendre au hasard la première poudre ou la première fiole qui nous tombe sous la main. Le médecin habile est celui qui détermine la dose selon la gravité de la maladie.

— Il ne peut y avoir de doute à ce sujet, dit le capitaine Roland. Je me rappelle un exemple remarquable qui confirme vos paroles. Pendant que j’étais en Espagne, nous tombâmes malades en même temps, mon cheval et moi ; une dose différente fut prescrite à chacun de nous, et je ne sais par quelle infernale méprise j’avalai la médecine du cheval ; le cheval, pauvre bête, avala la mienne !

— Et qu’en résulta-t-il ? demanda mon père.

— Le cheval mourut, répondit Roland avec tristesse, un animal bien précieux, bai clair, avec une étoile au front !

— Et vous ?

— Oh ! le docteur dit que la médecine du cheval me tuerait ; mais il fallait bien plus qu’une misérable bouteille de purgatif pour tuer un homme dans mon régiment.

— Nous arrivons néanmoins à la même conclusion, poursuivit mon père, vous avec votre expérience et moi avec ma théorie : c’est qu’il ne faut pas prendre une médecine au hasard, et qu’une erreur de bouteille peut tuer un cheval. Mais lorsqu’il s’agit de la médecine de l’âme, on ne pense presque jamais à la règle précieuse que le sens commun nous impose pour notre corps !

— Eh bien ! dit le capitaine, quelle médecine y a-t-il pour l’âme ? Shakspeare a dit là-dessus quelque chose qui, si j’ai bonne mémoire, signifie qu’il n’y a point de remède pour une âme malade.

— Je ne pense pas, frère. Il a dit seulement que la médecine (celle des bolus et des boissons noires) est impuissante en pareil cas. Et Shakspeare était le dernier homme à trouver son art en défaut, car il a été vraiment un grand médecin de l’âme.

— Ah ! je vous comprends, frère. Encore des livres ! Ainsi vous croyez que lorsqu’un homme a le cœur brisé, qu’il perd sa fortune, ou sa fille (Blanche, mon enfant, venez ici), vous