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mes pensées. Il se doutait peu qu’il travaillait contre lui, car à chaque nouvelle preuve de sa tendresse et de sa sagesse, mon cœur s’écriait :

« N’est-ce pas pour récompenser ta tendresse et faire connaître au loin ta sagesse, ô mon père, que je te quitte et que je vais dans une terre étrangère ? »

Et les deux mois expirèrent, et mon père vit que la boussole n’avait pas cessé de se tourner vers l’aimant de la grande terre australienne ; et il me dit :

« Allez consoler votre mère ; je lui ai fait part de votre désir auquel je donne mon consentement, parce que je crois à présent que c’est pour votre bien. »

Je trouvai ma mère dans la petite chambre qu’elle s’était appropriée à côté du cabinet de mon père. Et il y avait dans cette chambre une éloquence que nulles paroles ne sauraient rendre, car le cœur si bon, si doux et si tendre de ma mère, y parlait, de manière que c’était comme une sorte de sanctuaire intime. Elle avait soigneusement transporté de la maison rouge et arrangé avec amour tous les humbles souvenirs du passé qu’elle aimait tant. À la place d’honneur, au-dessus de la petite cheminée, on voyait encadrée sous verre une silhouette de papier noir, représentant mon père de profil, en robe et en toque, dans toute la pompe des honneurs académiques. Comment avait-il jamais pu consentir à poser pour ce portrait ? Des esquisses du temps de mon enfance à l’institut hellénique, mes premiers dessins à la sépia et à l’encre de Chine, ornaient les murailles ; et lorsque Kitty était assise là dans le crépuscule, seule à rêver, ils la ramenaient aux heures joyeuses où Sisty et sa jeune mère se jetaient des pâquerettes à la figure. Il y avait aussi là, protégé par une grande cloche de verre et épousseté tous les jours de la propre main de Kitty, le pot à fleurs que Sisty avait acheté du produit de ses dominos, dans cette circonstance mémorable où il avait appris à réparer une mauvaise action par une bonne. Dans un coin se trouvait le petit piano champêtre que je n’ai jamais oublié ; il était de forme antique, et sa voix chevrotante annonçait l’approche de la décrépitude ; mais elle était intimement unie pour moi avec ces mélodies que nous n’entendons plus après l’enfance ! Là, sur ces modestes rayons décorés de rubans, de franges et de cordons de soie, était rangée la bibliothèque de ma mère ; elle