Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/480

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quelques mois encore. Roland y consentit, quitta son logement et en prit un autre dans le faubourg où demeurait le précepteur. Mais quand ils se trouvèrent sous le même toit, les goûts et les habitudes du fils se révélèrent, ainsi que sa répugnance à obéir à l’autorité paternelle. Pour rendre justice à mon malheureux cousin (autant que cela peut s’appeler justice), il pouvait bien dissimuler quelque temps, mais il n’était pas assez hypocrite pour soutenir une tromperie systématique. Il savait jouer un rôle en une circonstance, parce que sa propre adresse lui causait une grande joie ; mais il ne pouvait porter le masque avec la patience et le sang-froid nécessaires à une longue dissimulation. Pourquoi entrer dans de pénibles détails que le lecteur intelligent devinera si facilement ? Les vices du fils étaient précisément ceux que le père pardonnait le moins. Nul père, je crois, n’eût été moins sévère pour les petites fredaines d’une ardente jeunesse ; mais pour tout ce qui paraissait bas et petit, pour tout ce qui le froissait comme gentilhomme et comme soldat, ah ! je n’eusse point bravé le froncement sévère de ses sourcils, ni la douleur qui perçait à travers le ton dédaigneux de sa voix, non, quand bien même on m’eût donné tous les trésors du monde. Aussi lorsque, après avoir reconnu que les défenses étaient aussi vaines que les avertissements, Roland trouva son fils, au milieu de la nuit, dans un repaire de joueurs et d’escrocs, gagnant tout le monde au billard et triomphant à l’aspect des pièces de cinq francs qui s’empilaient devant lui, vous pouvez vous faire une idée du courroux avec lequel cet homme fier, passionné, emporté, chassa la canne à la main les infâmes associés de son fils, en jetant après eux les gains illicites de celui-ci ; avec quel ressentiment et quelle humiliation le fils se vit forcé de suivre son père à la maison. Alors Roland partit avec lui pour l’Angleterre ; mais il ne rentra pas dans la vieille tour : ce foyer de ses ancêtres était trop sacré pour la présence de cet indigne héritier.