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Mais, quels que fussent ses pressentiments, Roland avait cédé tout de suite aux prières de son fils. Il avait couru à Londres, aussitôt sa lettre reçue, et lui avait obtenu une commission dans un régiment, alors en service actif dans l’Inde. Cette commission, à laquelle était annexé un ordre de rejoindre sur-le-champ le régiment, accompagnait sa lettre à son fils.

Vivian me montra le nom qui lui était donné dans la commission, et me dit : « À présent, en vérité, je puis reprendre ce nom ; et, après celui de Dieu, ce sera le plus sacré pour moi ! Il me guidera à la gloire dans cette vie, ou du moins mon père le lira sans rougir sur ma tombe ! »

Je le vois encore debout devant moi, tel qu’il était en ce moment, avec le regard solennel de ses yeux noirs, la sérénité de son sourire, la noblesse empreinte sur son front, toutes choses que je n’avais pas encore remarquées. Était-ce bien le même homme dont le cynisme railleur m’avait révolté, dont l’audace et la perversité m’avaient fait frémir, et sur l’exil duquel j’avais versé des larmes ? Combien peu la noblesse de la physionomie dépend de la symétrie des traits ! Quelle dignité revêt l’homme qui est animé d’une pensée sublime !


CHAPITRE IV.

Il est parti ! il a laissé un vide dans mon existence ! Je m’étais si bien habitué à l’aimer ! j’étais si fier de l’entendre louer ! Mon amitié ressemblait fort à de l’amour-propre, car je regardais Vivian presque comme l’ouvrage de mes mains.

Il s’écoula du temps avant que je pusse me remettre de bon cœur aux travaux de la vie pastorale. À la veille du départ de mon cousin, nous avions compté notre gain et réglé nos parts. Lorsqu’il avait renoncé à la pension que Roland lui faisait, son père m’avait donné secrètement pour son usage une somme égale à celles que nous avions apportées, Guy Bolding et moi. Roland avait emprunté cette somme sur hypothèque. Les intérêts à payer n’absorbaient qu’une faible partie de son revenu,