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que pouvaient amener ces présentations. Il s’empara de mon bras, m’entraîna d’un autre côté et me présenta à quelques-uns des hôtes de lord Ulverstone qui se trouvaient auprès de nous. L’accueil qu’ils me firent me prouva qu’ils avaient déjà été préparés à cette présentation.

On annonça le dîner, et je fus ravi du calme et de l’isolement au milieu desquels chacun s’assoit sur sa chaise dans nos grandes réunions.

Je restai trois jours au château. Ah ! Trévanion avait bien deviné en disant que Fanny jouerait parfaitement la grande dame. Quelle harmonie entre ses manières et sa position ! Elle conservait juste assez de cette séduisante gaieté et de ce charmant désir de plaire propres aux jeunes filles, pour adoucir la majestueuse dignité qu’elle avait prise à son insu, moins, après tout, comme grande dame que comme épouse et mère. Sa politesse était peut-être languissante et artificielle en comparaison de l’affabilité naturelle à son mari ; mais elle était exempte de cette froide condescendance ou de cette fine impertinence qui sont le propre de la petite noblesse, fière et exclusive. Avec quelle grâce sans pruderie elle acceptait les compliments flatteurs de ses hôtes, se détournant d’eux pour s’occuper de ses enfants, ou s’enfuyant auprès de lord Castleton avec un laisser-aller qui lui assurait aussitôt la protection du foyer domestique !

Assurément lady Castleton était plus incontestablement belle que ne l’avait été Fanny Trévanion.

Je le reconnaissais, non pas avec un soupir et un saisissement douloureux, mais avec un pur sentiment d’orgueil et de plaisir. J’aurais pu aimer follement et présomptueusement, comme un jeune homme ; mais j’avais aimé noblement, et cet amour ne faisait pas rougir mon âge mûr. Le bonheur de Fanny était le meilleur remède aux blessures non encore totalement cicatrisées de mon cœur. Si elle avait été mécontente, triste, lasse des liens qu’elle avait formés, il y aurait eu plus de danger pour moi ; j’aurais rêvé du passé et regretté la perte de mon idole. Mais il n’y avait rien de tout cela. La transformation de sa beauté l’avait tellement changée, que Fanny Trévanion et lady Castleton me semblaient deux personnes. En l’observant, en l’étudiant, je trouvai dans nos caractères des différences qui justifièrent l’assertion de Trévanion, assertion qui m’avait paru si monstrueuse : « Nous n’aurions pas été heureux si le sort