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Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/39

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mes désirs bornés par un mur infranchissable au moment même où leur but s’élevait ; tout ce qu’il y avait d’ardeur, d’ambition, d’orgueil dans ma nature était figé par le froid glacial du monde extérieur. J’épuisai les sciences qui étaient à ma portée ; où fallait-il en chercher d’autres, maintenant que mon appétit était excité, et que n’ayant plus d’argent je manquais de tout moyen pour le satisfaire. Mes capacités, les humiliations que je m’imposai pour me soumettre aux besognes les plus basses, tout cela ne servait qu’à m’empêcher de mourir de faim. Serait-ce donc là ma destinée définitive ? Et pendant que je consumais mon âme sans autre résultat que de pourvoir aux plus vils besoins de la nature physique, je voyais les heures dorées, les avantages glorieux, les portes s’ouvrant sur des cieux nouveaux, les chances d’éclairer le monde, je voyais tout cela s’évanouir, disparaître à jamais devant moi. Parfois, lorsque les enfants auxquels je m’étais chargé d’apprendre les éléments les plus simples se réunissaient autour de moi, ils me regardaient en face, les yeux pleins de rires, et comme ils m’aimaient tous, et qu’ils me contaient leurs petits plaisirs, leurs menus chagrins, je me surprenais maintes fois à désirer de retourner à cet état d’enfance, de redevenir semblable à l’un d’entre eux, et d’entrer ainsi dans ce paradis de repos qui m’avait été refusé jusqu’alors. Mais le plus souvent c’était un regard d’indignation plutôt que de mélancolie que je jetais sur ma triste destinée. Fallait-il