Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/40

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me faire domestique de ferme, et oublier ce que j’avais appris ! fallait-il faire vivre mon intelligence dans la pauvreté, la priver de sa nourriture pour assurer la subsistance à mon corps ? Fallait-il demander l’aumône ? De tout cela je me sentais incapable. À quelle époque du monde a-t-on jamais vu le vrai étudiant, le vrai ministre, le prêtre de la science, dépourvu de ce sentiment altier de sa dignité, de sa mission ? Devais-je étaler les blessures de mon orgueil, dénuder mon cœur, demander à des idiots opulents le strict nécessaire pour qu’un savant ne mourût pas de faim ? Pouah ! celui que la pauvreté la plus misérable amènerait à se courber ainsi, est un charlatan, ce n’est point le vrai disciple de la science. Que faire alors ? Je consacrai la partie la moins élevée de mes connaissances à me procurer le strict nécessaire pour vivre, je gardai pour moi cette science qui perçait les profondeurs de la terre et qui dénombrait les étoiles du ciel.

Ce fut à cette époque que je fis à Knaresborough la connaissance d’un parent éloigné, Richard Houseman. Quelquefois nous nous étions rencontrés pendant nos promenades ; il me recherchait et il ne m’était pas toujours possible de l’éviter. C’était un homme destiné à la pauvreté, comme je l’étais moi-même, mais il avait toujours su s’en s’accommoder comme si pour lui elle était l’aisance. Cela me paraissait un mystère. Un jour que notre conversation était tombée sur ce sujet, il me dit :

— Avec toute votre science, vous êtes pauvre ;