Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/43

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nêteté systématique, et de confesser qu’il était au dernier degré de l’échelle. Surprendre, tromper, éluder, flatter et flagorner bassement, tels étaient les talents qu’il étalait avec un cynisme grossier, impudent, au point de montrer que par une longue habitude de ce qui était vil, il avait perdu le sentiment de tout ce qui ne l’était pas. Houseman paraissait l’exploiter ou le faire parler ; il nous raconta des traits de sa scélératesse, et les embarras où ces actes l’avaient plongé ; il finit néanmoins par nous dire : « Et pourtant tel que vous me voyez, je suis riche et satisfait. J’ai toujours été le plus veinard des hommes ; peu m’importe la guigne d’aujourd’hui, j’en suis quitte pour attendre la chance du lendemain. J’avoue que je traîne partout le mal après moi, et que partout la Providence me traite bien ». Le hasard fit que nous nous rencontrâmes plus d’une fois, et notre entretien eut toujours la même tournure ; il s’agissait toujours de la coquinerie et de la bonne chance ; c’était le seul thème qu’il connût, la seule chose dont il se vantât. Pensez-vous que ces propos fussent sans influence sur les sombres et ténébreuses réflexions qui s’agitaient dans les profondeurs de mon intelligence ? N’y avait-il pas un ordre de la Providence qui commandât aux hommes de veiller eux-mêmes au soin de faire fortune, puisque le destin prodiguait ses faveurs à cet être bas et rampant, qui ne pouvait se frayer accès dans le vice même que par des passages souterrains et des entrées inconnues. Était-ce la peine d’être vertueux, et