Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/55

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résolution prise, je m’interdisais de regarder en arrière. Houseman me quitta ensuite ; il me fut impossible de rester dans ma chambre, j’allai de côté et d’autre par la ville ; la nuit s’avança ; je vis les lumières s’éteindre, successivement dans toutes les maisons, tout retomba dans l’obscurité ; le silence et le sommeil avaient pénétré dans les demeures de tous les mortels. Cette tranquillité, ce repos… cette trêve accordée à la fatigue et aux soucis, comme elle entrait profondément dans mon cœur ! Jamais la Nature ne me parut avoir suspendu son cours dans un moment plus terrible : il me semblait que moi et la victime nous étions maintenant seuls au monde. Je m’étais enveloppé d’une hautaine et enthousiaste folie qui m’élevait au-dessus de la crainte ; je me disais : L’action que tu vas accomplir est un grand et solennel sacrifice en l’honneur de la science, dont tu es le prêtre. Le silence même contribuait à m’inspirer une austère et terrible sainteté, j’éprouvais le calme de l’autel et non celui de la tombe. J’entendis les heures sonner l’une après l’autre sans que mon courage s’affaiblît ou s’impatientât ; mon esprit était endormi dans son dessein.

La lune se montra, mais blême et sans éclat. L’hiver pesait sur la terre, la neige qui était tombée vers le soir formait une couche épaisse sur le sol ; le froid extrême paraissait enfermer la nature entière dans ce calme sépulcral qui avait pris possession de mon âme.

Houseman devait venir me trouver chez moi