Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/60

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cette humiliation de tomber au niveau d’un Houseman, et de sentir que le pouvoir de me nuire était entre les mains d’un tel homme, que désormais je n’étais plus sans crainte de la méchanceté, de la curiosité humaines, que j’étais l’esclave de mon propre secret. Je cessai d’être le maître dans mon propre cœur, je n’étais plus libre de le montrer ou de le cacher. À quelque moment que ce fût, au milieu des honneurs, au foyer de l’amour, je pouvais être appréhendé, accusé de meurtre ; ma vie, ma réputation étaient à la merci de l’incident le plus banal ; au moment même où j’y songerais le moins, la terre pouvait rendre le cadavre, le gibet demander sa victime. Voilà ce que je pouvais éprouver. Ne pas faire de mon passé un spectre, un spectre qui marcherait toujours côte à côte avec moi, qui s’étendrait dans mon lit auprès de moi, qui surgirait entre les pages de mes livres, qui se glisserait entre moi et les étoiles du ciel, qui s’en irait furtivement flétrir de son haleine les fleurs embaumées, qui murmurerait à mon oreille : « Travaille, insensé, pour acquérir la science, le don de la sagesse est le seul moyen capable de nous élever au-dessus de la fortune, mais toi, tu es devenu son favori, son préféré… » Je mis enfin un terme à mes courses, je m’entourai de livres, et la science redevint pour moi ce qu’elle avait déjà été, une soif inextinguible, mais elle cessa aussi d’être ce qu’allé avait été, une récompense. J’occupais mes pensées, j’entassais dans mon esprit de nouveaux aliments : lorsque je regar-