Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/61

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dais autour de moi, je voyais bien peu de gens dont les richesses intellectuelles égalassent les miennes, mais pendant que cette passion brûlait au dedans de moi, qu’était devenu ce désir plus ardent encore qui m’avait séduit pendant cette période, sorte de gouffre sombre qui séparait mon adolescence de mon âge viril, entre ma vie passée et ma vie présente ? Qu’était-il devenu, le désir d’appliquer cette science au profit de l’espèce humaine ! Il avait disparu, il était mort, enseveli à jamais en mon cœur, avec les milliers de rêves qui avaient péri en même temps que lui. Lorsque l’acte eut été commis, il me sembla que je ne comptais plus dans toute l’espèce humaine que des ennemis ; je la voyais d’un œil tout différent. Je savais que je portais au dedans de moi un secret dont la connaissance ferait de moi pour elle un objet répugnant et odieux ; oui, je le savais, et cependant je disposais de mon avenir en une suite de bienfaits qui devaient s’étendre sur mes contemporains et leur postérité.

N’était-ce point assez pour tuer mon ardeur, pour changer mon activité en repos ? Plus je me donnerais de peine, plus les honneurs que j’acquerrais auraient d’éclat, plus ma chute définitive serait profonde et terrible. Je ne faisais qu’augmenter la hauteur de l’échafaudage duquel je tomberais. Quand ces diverses pensées se furent nettement formées en moi, une nouvelle manière d’envisager les affaires humaines remplaça mes anciennes aspirations ; dès le moment où quelque objet a cessé de