Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/62

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charmer, l’homme cherche des raisonnements qui le consolent de cette perte. Quoi, me disais-je, pourquoi me flatter de l’idée que je puis être utile, que je puis éclairer l’espèce humaine ? Sommes-nous assurés qu’en réalité la sagesse individuelle ait jamais produit ce résultat ? Valons-nous vraiment davantage, parce qu’il a existé un Newton ; sommes-nous plus heureux grâce aux pensées de Bacon ?

Cette suite de réflexions si propres à dissoudre, à refroidir mon ardeur était plus agréable à mon esprit que ne l’avait été le brûlant et jeune enthousiasme dont il s’était nourri jusqu’alors. Quand je n’étais encore qu’un enfant, j’avais professé le dédain envers une ambition purement mondaine ; ma vue ne s’était point laissée abuser sur la vraie valeur des sceptres et des couronnes, elle devinait les inquiétudes du pouvoir, les humiliations de la vanité ; ce qui m’avait animé, c’était une ambition tout intellectuelle. Et désormais cette dernière m’apparaissait elle aussi comme une illusion ; je ne désirais plus la lumière que pour moi, que pour y plonger mon âme. Je serais allé chercher pour le porter sur la terre le feu de Prométhée, mais je n’aurais pas donné à l’homme ce qui ne devient pour lui un bien ou un mal que d’après des circonstances fortuites, dont je n’aurais pu me rendre le maître. Oui j’ai toujours aimé, j’aime encore, et si je devais vivre toujours, j’aimerais toujours la science. C’est une compagne qui vous console, c’est un but qui vous conduit au Léthé. C’était fini, je ne devais plus