Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/71

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disparaître de l’univers un homme qui y était nuisible ; la richesse entre ses mains était un danger pour la société, et entre les miennes, elle était une source de bienfaits dont plus d’un profiterait. Au point de vue individuel, l’humanité avait réellement gagné à mon acte. Mais les conséquences générales que je m’étais refusé alors à examiner apparurent ensuite à mes yeux avec une clarté effrayante. Les écailles tombèrent de mes yeux, et je me vis tel que j’étais. Tous mes calculs se dissipèrent instantanément ; car quel avait été le bien que je m’étais proposé de faire, comparé aux maux que j’avais déchaînés sur votre maison ? Votre père était-il ma seule victime ? Et Madeleine, ne l’avais-je pas tuée du même coup ? Lester, n’avais-je pas raccourci le temps qu’il avait à vivre ? Et vous-même ? n’avais-je-pas terni le jeune éclat de votre existence ? Il est impossible de calculer, de mesurer, d’envisager toutes les conséquences d’un crime, même quand nous croyons les avoir pesées dans une balance que ferait pencher le poids d’un cheveu. Oui, auparavant je n’éprouvais pas le remords, mais désormais je le connus : j’avais nié d’avoir commis un crime et désormais le crime me semblait être l’essence même de mon âme. Le Destin de Thèbes, qui avait apparu à l’antiquité comme la plus terrible des fatalités humaines, était devenu le mien. Le crime, — sa découverte, — un désespoir sans remède,… écoutez ma voix : c’est celle d’un homme qui a le pied sur le bord d’un gouffre, dont aucune raison ne