Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/72

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peut pénétrer la redoutable nature ; écoutez-moi ; lorsque votre cœur vous suggérera de vous engager dans une route différente de celle que suit la majorité des hommes, et qui leur est prescrite, et qu’il vous murmurera : « Cette action peut être un crime pour un autre ; mais non pour toi », alors tremblez, restez d’un pied ferme, inébranlable sur le sentier dont on cherche à vous écarter. Souvenez-vous de moi.

Et dans cet état d’esprit, il me fallait feindre, user de dissimulation. Si j’avais été seul au monde, si Lester et Madeleine n’avaient point été ce qu’ils étaient pour moi, j’aurais pu taire l’aveu de mon acte et des motifs qui m’y avaient poussé, j’aurais pu convaincre les cœurs humains, j’aurais pu exposer dans tous ses détails la ténébreuse série de déductions et de tentations qui peuvent nous égarer, et faire de nous les instruments de l’ennemi par excellence. Mais tant que leurs yeux étaient attachés sur moi, tant que leurs existences et leurs cœurs étaient suspendus aux chances de mon acquittement, j’avais à lutter contre la vérité, moins pour moi-même que pour eux. C’est à cause d’eux que je ceignis mon âme, c’est à cause d’eux que je devins un misérable impudent, habile, adroit. Mon plaidoyer atteignit son but : Madeleine est morte sans une pensée de défiance à l’égard de l’homme qu’elle aimait. Lester, à moins d’une perfide indiscrétion de votre part, mourra dans la même conviction. À la vérité, depuis que l’art de l’hypocrisie a été employé pour la première fois, l’amour-propre