Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/73

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qui fait qu’on persévère dans ce qu’on a commencé pourrait me faire trouver quelque charme à laisser le monde dans cette erreur, ou du moins à lui inspirer quelque doute. C’est pour vous que je surmonte ce désir, dernière faiblesse d’un orgueilleux.

Maintenant mon histoire est achevée. Je ne lèverai pas le voile sur ce qui en ce moment même se passe dans mon cœur. Qu’importe qu’il y règne le désespoir, ou l’espérance, ou des émotions terribles, ou une tranquillité plus terrible encore ? Mes derniers moments ne donneront point un démenti à mon existence ; sur le bord même du gouffre je ne ferai point le poltron, je ne tremblerai point devant le sombre Inconnu. La soif, le rêve, la passion de ma jeunesse vit encore ; je brûle de connaître les obscurs et sublimes mystères que proclame la mort. Peut-être ai-je une vague espérance : peut-être l’Esprit immense et invisible dont j’ai nourri et adoré en moi l’émanation, quoique je lui aie rendu un culte d’erreur et de vanité, pourra voir dans cette créature tombée un être égaré par sa raison et non un méchant qui a cédé à des vices. Le guide que j’ai reçu du ciel m’a déçu et je me suis perdu, mais je n’ai point couru tête baissée de crime en crime. À côté d’une action coupable, quelques bonnes œuvres et bien des souffrances peuvent avoir leur poids ; dans le séjour obscur et lointain qui me sera assigné, je pourrai peut-être contempler dans sa demeure glorieuse la figure maintenant immobile de celle qui m’a appris à