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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/65

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Harley se leva aussitôt. Violante et Jemima entrèrent. Les yeux de lady Lansmere s’arrêtèrent sur la jeune fille, et elle eut peine à réprimer une exclamation de surprise et d’admiration ; mais lorsqu’elle eut aperçu l’attitude quelque peu humble, bien que non pas obséquieuse, de mistress Riccabocca, qui paraissait timide et simple, mais en qui cependant on ne pouvait méconnaître une femme bien née, elle se détourna de la fille, et, avec le savoir-vivre de l’ancienne école, commença par témoigner son respect à l’épouse. Ce fut littéralement du respect qu’exprimèrent ses manières envers mistress Riccabocca, mais un respect plus simple et plus cordial que celui qu’elle avait montré à Riccabocca. C’était celui d’une femme envers une femme, ainsi que le remarqua le sage lui-même. Elle prit ensuite la main de Violante entre les siennes, et la regarda comme si elle n’eût pu résister au plaisir de contempler tant de beauté. « C’est en vain, dit-elle avec un léger soupir, que mon fils m’avait dit de n’être pas étonnée. C’est la première fois que j’ai vu la réalité surpasser la description ! »

La rougeur de Violante la rendit plus belle encore, et, tandis que la comtesse se retournait vers Riccabocca, elle se glissa doucement près d’Hélène.

« Miss Digby, ma pupille, » dit Harley d’un ton marqué, voyant que sa mère avait oublié de présenter Hélène aux deux dames. Il se rassit et se mit à causer avec mistress Riccabocca, mais ses regards se tournaient souvent vers les jeunes filles. Elles étaient à peu près du même âge, mais ne semblaient au premier abord avoir rien de commun que la jeunesse. Il eût été difficile d’imaginer un contraste plus frappant que celui qu’elles formaient, et, chose étrange ! chacune semblait gagner au voisinage de l’autre ; la merveilleuse beauté de Violante paraissait plus éblouissante, et la fraîche et douce figure d’Hélène plus sympathique encore. Ni l’une ni l’autre n’avait presque jamais vu de jeune fille de son âge, et chacune d’elles fut aussitôt enchantée de l’autre. Violante, qui était la moins timide, commença la conversation.

« Vous êtes sa pupille, la pupille de lord L’Estrange ?

— Oui.

— Est-ce que vous êtes venue d’Italie avec lui ?

— Non, pas tout à fait ; mais j’ai passé plusieurs années en Italie.

— Ah ! vous devez regretter ; non ; je me trompe ; vous revenez dans votre pays natal. Mais, en Italie, le ciel est si bleu ! Ici, il semble que la nature manque de couleurs.

— Lord L’Estrange dit que vous étiez bien jeune quand vous avez quitté l’Italie ; cependant, vous vous la rappelez encore ; lui aussi, il préfère l’Italie à l’Angleterre.

— Lui ! impossible !

— Et pourquoi donc impossible, belle sceptique ? » cria Harley s’interrompant au milieu d’une phrase adressée à Jemima.

Violante n’avait pas songé qu’on pût l’entendre, elle parlait pres-