Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/110

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Thornton lui-même était assis près d’un misérable petit feu, dans une bergère. Tout près de lui était une autre table encore couverte des débris d’un déjeûner, une cafetière, une boîte au lait, deux tasses, un pain entamé, un plat vide, un paquet de cartes, un dé à jouer, et un livre de mauvais goût, tout ouvert à portée de sa main.

Tout ce qui l’entourait portait l’empreinte d’une basse débauche ; l’homme lui-même, avec sa figure rouge et sensuelle, ses mains sales, et le négligé libertin de toute sa personne, représentait dignement le genius loci.

Tout ce que je viens de décrire, plus l’ombre fugitive d’une femme disparaissant derrière une porte, un coup d’œil rapide me l’avait fait apercevoir, à l’instant même où je faisais mon entrée.

Thornton se leva, avec un air moitié insouciant, moitié confus, et m’exprima, dans des termes qui valaient mieux que sa tenue, le plaisir en même temps que la surprise qu’il éprouvait de ma visite. Il y avait dans sa conversation une singularité qui lui donnait à la fois un air de finesse et de vulgarité ; c’était, comme on l’a dit plus haut, une profusion de proverbes, les uns vieux, les autres nouveaux, quelques-uns sensés, mais qui tous sentaient ce vocabulaire dont fait jamais usage un homme d’une conversation tant soit peu distinguée.

« Je n’ai qu’une chambre, me dit-il en souriant, mais Dieu merci, à Paris on ne juge pas les gens sur leur appartement. Petit logis, petits soucis. Il y a peu de garçons qui aient un logement plus somptueux que le mien.

— C’est vrai, lui dis-je, et si j’en juge par les bouteilles qui sont sur cette table et par ce chapeau que je vois là-dessous, vous trouvez qu’il n’y a pas d’habitation trop humble ou trop élevée pour le plaisir.

— Parbleu, vous êtes dans le vrai, monsieur Pelham, répliqua Thornton avec un rire épais et grossier, une sorte de gloussement qui m’en apprit plus sur son compte que n’aurait pu le faire une conversation d’une heure entière. Je me soucie peu de cela, des décorations de la table, pourvu que la chère soit bonne, et des colifichets de la coiffure pourvu que la figure soit jolie ; le goût de la cuisine en vaut