Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/14

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CHAPITRE III


Lorsque je quittai Cambridge, ma santé était très-faible, et comme personne n’était encore rentré à Londres, j’acceptai l’invitation que m’avait faite sir Lionel Garrett, de l’aller voir à sa campagne. En conséquence, par une rude journée d’hiver, plein d’espoir dans l’influence vivifiante de l’air et de l’exercice, je me trouvai, soigneusement empaqueté dans trois habits, sur la grande route de Garrett-Park.

Sir Lionel était un de ces caractères comme on en rencontre tant en Angleterre, et le décrire, c’est décrire toute l’espèce. Il appartenait à une ancienne famille et ses ancêtres avaient tous résidé, depuis des siècles, dans leurs terres de Norfolk. Sir Lionel entra en possession de sa fortune dès sa majorité et arriva à Londres à vingt-et-un ans ; c’était alors un garçon lourd et sans élégance, portant un habit vert et des cheveux plats. Ses amis de la capitale étaient de ce monde où l’on est au-dessus du bon ton lorsqu’on n’y prétend pas, mais où l’on manque son but et où l’on perd complètement l’équilibre, jusqu’à faire une chute incommensurable au-dessous du bon ton, lorsqu’on y veut absolument prétendre.

Je veux parler de ce monde que j’appellerai respectable, composé de vieux pairs de la vieille école, et de gentilshommes campagnards qui s’obstinent à aimer le houblon national et à déprécier le vin de France ; de généraux qui ont servi dans l’armée, de frères aînés qui ont hérité