Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/215

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Vincent se leva en proie à une excitation nerveuse, puis se rasseyant, fixa sur moi pendant quelques instants avec attention ses yeux noirs et brillants ; l’ensemble de sa personne prit subitement un air de grandeur et de gravité que je ne lui avais jamais vu.

« Pelham, me dit-il enfin, c’est pour jouir de ces rares élans de votre nature généreuse que j’ai recherché votre société et votre amitié. Moi non plus je ne suis pas tout à fait ce que je parais. Le monde verra un jour qu’Halifax n’est pas le seul homme d’État que l’étude de la littérature ait rendu plus propre au grand travail des affaires. En attendant, laissez-moi passer pour un pédant et un bibliophile. Je dirai comme cet aventurier plus hardi que je ne suis, je sais mon heure. Pelham, cette session sera rude. Vous y préparez-vous ? — Oh ! répondis-je en retombant dans mon affectation habituelle de langueur, j’aurai trop à faire avec Stultz, Nugec, et Tattersall et Bantz et cent autres accapareurs de mes loisirs. Rappelez-vous que c’est la première fois que je viens passer la saison à Londres depuis ma majorité. »

Vincent saisit son journal d’un air chagrin ; pourtant il se piquait trop d’être homme du monde, pour faire paraître son déplaisir : a Parr, Parr, toujours Parr, dit-il, les journaux sont bourrés de ce nom-là. Dieu sait que je respecte l’instruction autant que personne ; mais je la respecte pour l’usage qu’on en fait et non pour elle-même. Néanmoins, je ne veux pas prendre à partie sa réputation, cela ne durera qu’un jour. Les littérateurs qui ne lèguent que leur nom à la postérité n’ont qu’un court crépuscule de réputation posthume. À propos, connaissez-vous mon calembour sur Parr et le major ?

— Non, dis-je.

— Voici : Parr et moi, avec deux ou trois autres, nous dînions chez ce pauvre T. M., l’auteur de l’Antiquité de l’Inde ; le Major…, grand voyageur, entama une discussion avec Parr sur Babylone ; le docteur s’échauffa et fit pleuvoir sur son malheureux antagoniste une telle grêle de citations, que celui-ci étonné par tout ce bruit, et terrifié par les auteurs grecs que débitait le docteur, se vit obligé de s’avouer