Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/240

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XLIX


Un peu après sept heures j’étais au rendez-vous à… ; les jeunes gens sont rarement inexacts quand il s’agit de dîner. Nous étions six convives ; le repas était incroyablement mauvais et ridiculement extravagant ; il y avait de la tortue maigre, du gibier sans fumet, du champagne qui sentait la groseille à maquereau, et du vin du Rhin purgatif. Voilà bien les jeunes gens ; ils croient que ce qui coûte cher est nécessairement bon, et ils achètent des drogues plus cher que ne font les hypocondriaques les plus entichés de leurs médecines.

Naturellement, toute la bande déclara que le dîner était superbe ; on fit venir le maître d’hôtel en personne pour le féliciter, et on l’obligea, à sa grande terreur, à boire un verre de son propre vin du Rhin. Le pauvre homme ! on prit sa répugnance pour de la timidité, et on le força de la noyer dans un second verre du même breuvage. Il sortit avec un faux air d’humilité reconnaissante, et nous nous mîmes à faire circuler la bouteille avec la résolution de nous suicider sans doute, comme des Romains après une défaite. Vous devez penser que nous ne tardâmes pas à atteindre le but tant désiré qui était une ivresse confortable ; nous nous échappâmes de table à onze heures, avec les yeux battus, la bouche en feu, l’esprit rempli d’idées belliqueuses, jurant de répandre l’effroi, la mort et la destruction parmi les sobres et paisibles sujets de Sa Majesté.

Nous fîmes halte dans Arlington-Street ; comme ce lieu