Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/253

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uns parlaient du barreau, les autres de l’église, un autre proposait la diplomatie, et un quatrième assurait à ma mère que si je pouvais être présenté à la cour, je serais lord chambellan dans l’armée. Pendant que mes amis délibéraient, je pris la liberté de décider de mon avenir ; et dans un accès d’humeur belliqueuse, je m’engageai dans un régiment qui partait pour faire campagne. Mes amis firent contre mauvaise fortune bon cœur, et l’on m’acheta un brevet d’enseigne.

« Je me souviens d’avoir lu Platon dans la nuit qui précéda notre première affaire ; le lendemain on me dit que je m’étais sauvé et que j’avais eu peur. Je suis sûr que c’était pure calomnie, car si cela avait été, je m’en serais souvenu ; au lieu que je fus au contraire dans une telle confusion que je ne pus rien me rappeler des événements de cette journée. Environ six mois après je me trouvai hors de l’armée et en prison : grâce à mes relations de famille, je sortis bientôt de ce mauvais pas et commençai à voyager. À Dublin, je me laissai enlever mon cœur par une veuve riche (à ce que je croyais) ; je l’épousai et il se trouva qu’elle était aussi pauvre que moi. Dieu sait ce que je serais devenu si je ne m’étais mis à boire ; ma femme ne voulut pas être en reste avec moi, elle suivit mon exemple et moi je suivis son convoi un an plus tard. Depuis cette époque je me tins pour averti et je devins extrêmement sobre. Betty, mon amour, une autre pinte d’absinthe !

« J’étais donc redevenu libre à la fleur de mon âge, bel homme, comme vous voyez, messieurs, avec cela, fort et entreprenant comme un jeune Hercule. Je séchai mes larmes, je devins croupier la nuit à une table de jeu, et pendant le jour, je faisais le beau dans *** Street (car j’étais revenu à Londres). Je me rappelle très-bien qu’un jour, Sa Majesté actuelle eut la bonté, en passant, de remarquer ma peau de daim, — tempora mutantur.

« Eh bien, messieurs, un soir il y eut une rixe dans notre salon et mon nez fut invité avec peu de ménagement à passer à droite. J’allai, en toute hâte et fort effrayé, trouver un chirurgien qui, pour remédier à cet état de choses, le repoussa du côté gauche. Depuis lors, il n’a plus