Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/254

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bougé, Dieu merci. Il est inutile de vous dire la nature de la querelle qui donna lieu à cet accident ; cependant, mes amis jugèrent prudent de me faire quitter l’emploi que j’occupais alors. J’allai ensuite en Irlande où je fus présenté à un « ami de la liberté » ; j’étais pauvre, c’est tout ce qu’il faut pour faire un patriote. On m’envoya à Paris pour y remplir une mission secrète : lorsque je revins, mes amis étaient en prison. Comme j’ai toujours eu du goût pour la liberté, je n’enviai pas leur sort. Je revins en Angleterre. M’étant arrêté à Liverpool avec une bourse très-peu garnie, j’entrai dans une boutique d’orfèvre pour me refaire, et six mois après je me trouvais en pleine mer faisant une excursion à Botany-Bay. À mon retour de ce pays, je résolus de tirer parti de mes connaissances en littérature. J’allai à Cambridge, j’écrivis des discours de rhétorique et traduisis Virgile à tant la feuille. Ma famille (grâce à mes lettres) découvrit, peu de temps après, où j’étais ; elle me fit une pension d’une demi-guinée par semaine, qu’elle me paie encore aujourd’hui ; grâce à cette petite ressource et à mes déclamations, je puis vivre. Depuis cette époque, ma résidence habituelle est à Cambridge ; je suis le favori des gradués et sous-gradués. J’ai réformé ma vie et mes manières et je suis devenu l’homme tranquille, étrange que vous voyez. L’âge finit par dompter les plus fougueux :


Non sum qualis eram.


Betty, apporte-moi mon absinthe et va-t’en au diable !

« Nous sommes dans ce moment en vacances, et je suis venu en ville avec l’idée de faire des lectures publiques sur l’état actuel de notre système d’éducation. M. Dartmore, à votre santé. Mon histoire est finie, et je vous prie de vouloir bien payer mon absinthe. »