Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/259

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voisine vers un endroit du salon où était engagée une conversation très-animée sur la littérature. Décidé à mettre le temps à profit, je les y suivis et me trouvai assis à côté de miss Glanville. Lady Roseville s’assit de l’autre côté et je remarquai que toutes les fois qu’elle cessait de regarder la sœur c’était pour porter les yeux sur le frère, qui se tenait sombre, silencieux, et absorbé au milieu de la discussion qui s’agitait autour de lui.

La conversation roula sur les romans de Walter Scott, puis sur les romans en général, et finalement sur le roman d’Anastase.

« C’est grand dommage, dit Vincent, que la scène de ce roman soit si éloignée de nous. Mais c’est un grand malheur aussi pour Hope d’avoir :


Rétréci son esprit, et doté l’Orient de ce qui appartient à l’humanité tout entière ;


tandis qu’on le suit avec admiration au milieu de ses descriptions minutieuses d’un intérêt local, on oublie trop souvent de rendre justice à la beauté des caractères qu’il a peints et qui sont de tous les pays.

— Il faut, dit lady Roseville, pour produire une œuvre aussi parfaite, une réunion extraordinaire de qualités d’esprit.

— Si extraordinaire, en effet, reprit Vincent, que quoique nous ayons plusieurs poèmes épiques, dont un parfait, et plusieurs autres qui prétendent à la perfection, il n’y a pas au monde un seul roman parfait. Gil-Blas est celui de tous qui approche le plus de la perfection, et pourtant, il faut convenir qu’il manque d’un bout à l’autre de dignité, de droiture et de tout ce que l’on appelle beauté morale. Un auteur qui réunirait les qualités variées de Walter Scott à celles de Le Sage, avec une plus grande et une plus profonde connaissance de la morale que l’un et l’autre, pourrait atteindre à cette perfection que nul n’a pu réaliser depuis Apulée.

— À propos de morale, dit lady Roseville, ne pensez-vous pas que chaque roman doit avoir un but spécial et traiter d’un bout à l’autre une question de morale, ainsi