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CHAPITRE V


Plusieurs jours se passèrent. J’avais fait tous mes efforts pour gagner les bonnes grâces de lady Roseville, et en tant que simple connaissance, je n’avais pas trop à me plaindre du succès de mes efforts. Mais il ne pouvait pas être question d’autre chose. Je m’en aperçus bientôt, malgré ma vanité (qui n’était pas mon moindre défaut). Son esprit avait une tournure complètement différente du mien ; elle semblait appartenir, je ne dirai pas à un meilleur, mais à un autre monde que moi. Nous n’avions pas une pensée, pas une opinion commune ; nous avions sur toutes choses des manières de voir absolument opposées. J’eus bientôt la conviction qu’elle était d’une nature tout à fait contraire à celle qu’on lui attribuait généralement, et qu’il y avait là-dessous tout autre chose que le pur mécanisme d’une femme du monde. Elle était douée d’une grande sensibilité, elle avait même un caractère romanesque, ses passions étaient vives, et son imagination plus vive encore. Mais la douce langueur de ses manières étendait sur ces replis profonds de son cœur un voile que ne pouvaient percer les regards d’un observateur superficiel.

Il y avait des moments où je croyais m’apercevoir qu’elle était intérieurement agitée et malheureuse ; mais elle était trop versée dans l’art de dissimuler pour laisser voir autre chose.

Je me consolai aisément, je l’avoue, de perdre l’occasion, dans ce cas particulier, d’une de ces bonnes fortunes aux-