Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/27

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quelles je suis accoutumé ; le fait est que je poursuivis un autre objet. Tous les hommes étaient grands amateurs de la chasse. C’est un genre d’amusement que je n’ai jamais beaucoup aimé. La première fois que j’ai pris en dégoût cette espèce de récréation raisonnée, c’était à une battue. Au lieu d’attraper quelque gibier, c’est moi qui fus attrapé. D’abord, comme une bouteille qu’on fait rafraîchir dans un seau à glace, je demeurai plongé trois heures durant dans un fossé plein d’eau. Ce n’est pas tout, pendant cette faction il m’arriva de recevoir deux coups de fusil dans mon chapeau : on le prenait pour un faisan, et un autre dans mes guêtres de cuir : on les prit pour un lièvre. Pour, couronner le tout, quand on s’aperçut de ces méprises successives, j’attendais au moins des excuses de ceux qui avaient attenté à mes jours de propos délibéré. Pas du tout, ils avaient l’air presque désappointés d’avoir manqué leur coup.

Sérieusement la chasse au fusil est un amusement barbare, bon pour les majors de régiment, les princes du sang, et autres gens de même espèce. Marcher, c’est déjà assez désagréable ; mais marcher avec un fusil sous le bras, une poire à poudre qui vous bat la hanche ! exposer sa vie à la merci des mauvais tireurs et à l’atrocité de ceux qui ne manquent pas leur coup, c’est à mon avis une fatigue douloureuse, égayée par la chance d’être tué.

Cette digression me mène à déclarer, que je ne me joignis jamais, ni aux célibataires fluets ni aux hommes à double menton qui battaient en long et en large les réserves de sir Lionel Garrett. Je pris l’habitude, au contraire, de faire de longues promenades tout seul, et j’en fus récompensé par un accroissement de force et de santé.

Un matin, la chance envoya sur mon chemin une bonne fortune, dont j’eus bien soin de profiter. À partir de ce moment la famille d’un fermier nommé Sinclair (l’un des tenants de sir Lionel) fut alarmée par des bruits étranges et surnaturels : une chambre occupée par une jeune personne de la famille, fut, de l’aveu même du clerc de la paroisse (une espèce d’esprit fort, plus que sceptique), spécialement reconnue pour être hantée par les esprits.