Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/261

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connaître. Pour moi, si j’écrivais un roman, je voudrais commencer par devenir un observateur actif, vigilant et pénétrant, des hommes et des choses. Ensuite, je voudrais, après avoir ainsi examiné les effets dans la vie réelle, rechercher les causes dans les livres, et dans la méditation du cabinet. C’est alors, alors seulement, que je m’étudierais à acquérir les grâces légères du style et l’art de bien peindre. Mais je ne lâcherais la bride à mon imagination qu’après m’être bien convaincu qu’elle ne peut, ni enfanter des monstres au lieu d’hommes, ni des erreurs au lieu de vérités. Quant à mes moyens d’instruire ou d’amuser, je voudrais prendre des personnages qui ne fussent ni meilleurs ni pires que ne l’est l’humanité, et la moralité que je voudrais en faire ressortir se traduirait plutôt par des plaisanteries ou de l’ironie, que par des sermons et des tirades mélancoliques. Il n’y a jamais eu de défaut corrigé par la peinture de la perfection ; et si la légèreté et le ridicule sont, comme on le dit, les auxiliaires habituels du vice, je ne vois pas pourquoi on ne les emploierait pas aussi bien pour défendre la vertu. Il y a une chose dont vous pourrez être sûrs, c’est que le rire étant un des attributs distinctifs de l’espèce humaine, jamais une intelligence brute, un cœur sauvage, ne s’y livre avec plaisir. »

Vincent se tut.

« Merci, mylord, dit lady Roseville, en prenant le bras de miss Glanville et en quittant la table, cette fois-ci vous avez bien voulu consentir à nous donner votre propre sentiment et non celui des autres ; vous n’avez presque pas fait de citations.

— Acceptez, » dit Vincent en se levant,

Acceptez un miracle au lieu d’un trait d’esprit.